COUP D’ETAT AU NIGER : Le choix de Bola Tinubu pour présider la CEDEAO n’est-il pas une erreur ?

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En remettant la présidence en exercice de la CEDEAO au président du Nigeria, Bola Tinubu, on peut se demander si les chefs d’Etat ouest-africains ont pris la bonne mesure de leur décision ou si c’était un coup de tête ?

La question de la vraie raison de l’attribution de la présidence en exercice de la CEDEAO, à Bola Tinubu se pose (sur notre photo, il gonfle les biceps). Car, déjà, il n’est pas encore solidement installé au pouvoir. En effet, sa victoire à l’élection présidentielle est, fortement, contestée devant la Haute cour de justice du Nigeria. Il n’est, donc, pas exclu que son élection soit tout simplement invalidée. Et même si ce n’était pas le cas, ce n’est pas avant quatre à six mois qu’il pourra nommer un gouvernement validé par les instances compétentes du Nigeria (parlement et Haute Cour, etc.). Ces deux écueils (et non les moindres) devaient pousser les chefs d’Etat à plus de prudence dans leur choix. Mais, la CEDEAO a cessé d’être cette organisation crédible et dynamique, laissée par ses pères fondateurs, à savoir, feu le Sage togolais, Gnassingbé Eyadèma et le général-président du Nigeria, Olusegun Obasanjo. L’année dernière, n’était-elle pas présidée par le président de la Guinée-Bissau, Umaru Cissoco Embalo, que d’aucuns qualifient dans la sous-région de « plaisantin » ? On n’est, donc, pas étonné que l’organisation ait été confiée à un novice, un véritable bleu en politique, qui ne savait, jusque-là, que diriger ses nombreuses sociétés. Aucune expérience d’élu ni de membre de gouvernement pour savoir le fonctionnement d’une administration étatique.

C’est cette inexpérience qui a fait que, une fois élu président en exercice de la CEDEAO, il s’est fendu des déclarations où il a été, immédiatement, pris au mot. Aujourd’hui, il court après une crédibilité qui sera difficile à retrouver. Il a affirmé qu’il ne tolérerait aucun coup d’état militaire pendant son mandat. Que va-t-il faire aux putschistes du Niger qui vont à coup sûr s’installer dans la durée ? Alors que les chefs d’état major de la CEDEAO se réunissent à Abuja pour concocter un plan en vue de le pousser hors du pouvoir, le général, Abdramane Tchiani, a averti qu’il ne tolérerait aucune ingérence dans les affaires de son pays. Sous-tendu, aucune intervention militaire.

Bola Tinubu a coupé l’électricité au Niger. Le pays fonctionne, désormais, en mode délestage. Le CNSP (Conseil national pour la sauvegarde de la patrie) devra trouver les moyens pour suppléer les 70% du courant qui venaient du voisin devenu belliqueux. On se demande si après une semaine de souffrance, les consommateurs nigériens, affectés par les délestages dans leur vie de tous les jours, ne vont pas se retourner contre Bola Tinubu et les Nigérians comme étant à l’origine de leur malheur ? On se souvient que lors du pic de la crise entre le Mali et la Côte d’Ivoire, le président, Alassane Ouattara, dont le pays fournit 20% de l’électricité au Mali, s’était bien gardé de couper la fourniture de l’électricité à ce pays et même de réduire sa fourniture. Il connaît les conséquences d’un tel acte. Bola Tinubu, au nom du respect des textes, lui, a coupé toute livraison.

Sur le plan de la sécurité, on se demande, là aussi, si le président a bien réfléchi avant de brandir la menace d’une intervention militaire au Niger afin de rétablir Mohamed Bazoum dans ses fonctions, si le CNSP ne quittait pas le pouvoir au plus tard dimanche, 6 août. La question est celle-ci : Bola Tinubu connaît-il exactement la réalité des forces en présence au sein de la CEDEAO où les trois seules armées capables d’aligner des troupes aguerries sont celles du Togo, du Sénégal et dans une moindre mesure du Ghana (bien que déjà rongée par la corruption) ? Or, tout laisse penser que ces trois pays ne sont pas très emballés par l’aventure guerrière de Tinubu au Niger. Et parlant maintenant de l’armée du Nigeria qui est un tigre sur le papier, qui ne connaît pas sa faiblesse ? Depuis 15 ans, la petite secte Boko Haram qui compte à peine 10.000 combattants lui mène la vie dure, au point d’affecter les trois autres pays (Tchad, Niger et Cameroun). Car une fois les attaques perpétrées dans l’un de ces trois pays, les combattants de Boko Haram fuient se réfugier dans leur Forêt de Sambisa, située au Nord-Est du Nigeria où la secte a sa base. Cette forêt qui est étendue comme la ville de Douala, c’est-à-dire, 2.000 kilomètres carrés, n’a jamais été conquise par l’armée du Nigéria à cause de sa faiblesse. A chaque fois que l’armée s’aventure pour la conquérir, elle est repoussée. De manière générale, la secte, très souvent, a le dessus dans les combats. C’est connu que le plus grand fournisseur d’équipements militaires et de véhicules de Bokam Haram, est l’armée du Nigeria. Quand elle est défaite par la secte, pendant les combats, ses militaires fuient dans tous les sens, en jetant leurs tenues militaires pour s’habiller en civil, et abandonnent leurs équipements militaires que ramasse la secte. C’est la raison pour laquelle elle n’arrive pas à avoir le dessus, même sur les coupeurs de route qui écument le Nord du pays. Bref, l’armée du Nigeria connaît le caractère redoutable de sa consoeur du Niger. Si elle se frotte à elle, elle comptera des morts en plusieurs centaines de soldats sinon plus.

Il y aurait aussi le risque d’embrasement de la sous-région qui n’est pas à négliger. Le Mali, le Burkina Faso (et dans une moindre mesure la Guinée) ont déclaré que toute attaque du Niger serait considérée comme une déclaration de guerre que la CEDEAO leur adressait et qu’ils ne resteraient pas les bras croisés sans riposter. Pour joindre la parole à l’acte, le général de corps d’armée et numéro 2 du CNSP, le général 4 étoiles, Salifou Modi, s’est rendu, mercredi, 2 août, à Bamako, pour rencontrer le colonel-président, Assimi Goïta, et ses équipes, afin de peaufiner un plan pour contrer une possible intervention militaire de la CEDEAO. Après le Mali, la même délégation qui est composée de deux généraux et de trois colonels, s’est rendue, jeudi, 3 août, à Ouagadougou, pour avoir la même concertation, avec le capitaine-président, Ibrahim Traoré. Ce ne sera donc pas une partie de plaisir à laquelle il faudra s’attendre si la CEDEAO attaquait militairement le Niger. La sous-région pourrait s’embraser totalement. A cause de Bola Tinubu, milliardaire de son état reconverti en chef d’Etat.

Il faudrait donc mettre l’accent sur la diplomatie et confirmer un médiateur qui suivrait le Niger comme il y en a qui suivent le Mali, le Burkina Faso et la Guinée. C’est le mal que nous souhaitons à la CEDEAO (présidée par un certain Bola Tinubu).

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