Le futur locataire de l’Elysée trouvera le dossier F CFA sur sa table : « Les Africains n’en veulent plus ». C’est clair ! Voyant qu’ils manifestent un désir ardent de sortir de ce carcan monétaire, qui les met sous surveillance (coloniale) depuis les indépendances politiques, dans les années 60, mais que personne ne veut prendre en considération, ils se sont mis, depuis 2016, à organiser, de façon simultanée, dans plusieurs grandes villes africaines, européennes, américaines et asiatiques, des manifestations où ils exigent, ni plus ni moins, la création d’une vraie monnaie africaine en lieu et place du F CFA. Sorti, de cette manière, sur la place publique, sur au moins, quatre continents, ce débat fait mal à Bercy (Ministère français de l’Economie et des Finances) dont la direction du Trésor, gestionnaire en titre du fameux Compte d’Opération, fait la pluie et le beau temps en Afrique. Comme sous les colonies. Inacceptable pour la nouvelle élite africaine qui ne trouve pas de mots assez durs pour qualifier une telle relation de subordination d’un autre temps.
Le F CFA doit purement et simplement disparaître. Comment exerce-t-il son étau sur les pauvres économies africaines ? En gros, les 14 pays membres de la zone Franc de l’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Sénégal, Mali, Togo, Niger, Guinée Bissau, Burkina Faso, Bénin), de l’Afrique centrale (Cameroun, Gabon, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Tchad, Centrafrique) et les Comores, doivent déposer, au moins, 50% de leurs réserves de change, de façon permanente, sur ce fameux Compte d’Opérations que gère le Trésor français. Objectif : permettre la convertibilité de façon illimitée du F CFA lors des transactions effectuées par les pays concernés. Le taux de convertibilité reste fixe et rigide et empêche des ajustements en cas de nécessité. Puis, les transactions faites par les Etats africains concernés doivent recevoir, préalablement, l’onction du Trésor français, ce qui restreint la liberté de commercer avec qui on veut et comme on veut. La surveillance s’exerce, donc, en permanence sans se manifester ostensiblement. Bref, c’est l’indépendance contrôlée qui, en fait, n’en est pas une. Il faut sortir de ce carcan. Y en a marre !
Il y a plus grave : les chefs d’Etat, du fait de la présence de deux représentants français dans le conseil d’administration des Banques centrales (BCEAO et BEAC), qui ont le droit de veto sur tout et pour tout, n’est pas de nature à permettre l’élaboration des politiques macro-économiques, selon les intérêts des (seuls) pays africains. Il faut toujours et encore demander l’avis sinon l’autorisation de Paris avant de valider toute décision. Où est l’indépendance dans ces conditions ?
57 ans après les (très fictives) indépendances africaines, les peuples disent à leurs chefs d’Etat qu’il faut autre chose : les présidents tchadien, Idriss Déby Itno, équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo et burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, sont partants pour se doter d’un instrument de souveraineté : une monnaie authentiquement africaine.
Deux chefs d’Etat disent tout le bien qu’ils pensent du F CFA : l’Ivoirien, Alassane Ouattara, et le Sénégalais, Macky Sall.
On sort, ici, de l’économie pour entrer dans le champ, suprêmement, politique. Les Français ne sont pas crédibles quand ils affirment qu’il s’agit d’un débat afro-africain qui ne les concerne pas, alors qu’ils tirent, habilement, les ficelles. Mais, plus pour longtemps car le débat est, ouvertement, sur la place publique.
Ce vendredi, 14 avril, à Abidjan, le ministre français de l’Economie et des Finances, Michel Sapin (notre photo), a refusé d’évoquer ce débat sur le F CFA en Afrique, se retranchant derrière la souveraineté des Africains sur le sujet, lors d’une réunion des ministres des Finances de la Zone Franc, dans la capitale économique ivoirienne.
« Ce n’est pas un sujet que j’aborde car c’est un sujet qui appartient aux Africains. Le Franc malgré son nom est la monnaie des Africains, ce n’est plus la monnaie de la France, il a disparu en Europe. Sur toutes ces questions-là, c’est aux Africains de se prononcer et ce n’est pas à nous de le faire à leur place », a affirmé le ministre.
C’est une réponse de Normands ! Car Michel Sapin sait, pertinemment, qu’il a un droit de veto (en tant que patron du trésor français) sur toute question ayant trait au F CFA. Jusqu’à quel niveau les Africains sont-ils autorisés à décider tout seuls sans en référer à Paris ? A aucun moment.
Il est très fort probable que le prochain président français, quel qu’il soit, soit celui qui décidera de donner leur souveraineté monétaire (de façon plus ou moins forcée) aux 15 pays africains concernés. Sinon, le bouchon va exploser.
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