Avant tout, il convient de préciser que même s’il s’agit au fond de la même monnaie, la France distingue tout de même d’un côté, le Franc de la Communauté financière en Afrique (F CFA), à savoir, celui de l’Afrique l’Ouest, et d’un autre côté, le Franc de la Coopération financière en Afrique (F CFA), celui de l’Afrique centrale.
Créé par le Général de Gaulle, le 25 décembre 1945, avec Soustelle et Plevel, le F CFA est indéniablement un outil de la réaffirmation de l’autorité de la France, mais pas seulement, sur ses anciennes colonies puisque la Guinée équatoriale, qui est aussi membre de la zone franc, est une ancienne colonie espagnole et non française.
Alors le F CFA profite-t-il vraiment à la France ? La réponse est bien évidemment « Oui » et cela ne constitue nullement une surprise ou une découverte pour personne.
Tout d’abord au plan économique et financier.
S’il est incontestable que le F CFA est un gage de stabilité pour les économies des pays africains dits de la zone franc et dont on connaît – il est vrai – l’insouciance, la légèreté et l’irresponsabilité légendaire des dirigeants, il est, aussi, incontestable que le ratio de la profitabilité penche en faveur de la France.
En effet, pour se garantir, la France est habilitée à stocker et à gérer, à Paris, pour les pays de la zone franc, 50% des devises provenant de leurs exportations sur des comptes d’opérations. Pour rappel, elle en ponctionnait la totalité de 1946 jusqu’en 1973, puis, l’équivalent de 65% jusqu’en 2005.
En clair, cela signifie que les recettes en devises des matières premières (pétrole, uranium, café, cacao, coton, or, diamant et autres métaux rares…) vendues dans le monde entier par les pays de la zone franc, vont pour une bonne partie (50% depuis 2005) au Trésor Public français et non aux pays africains de la zone franc qui ont généré ces exportations. Autrement dit, un flux financier en dollars ($), en livres sterling (£), en yens (¥) et en euros (€) dont le Trésor français a la garde et qu’il place, bien évidemment, à son profit sur les marchés financiers internationaux. Chacun l’aura compris, ces placements sur les marchés financiers rapportent gros à la France. Ces placements se situent entre 6 et 7 milliards d’euros.
Il s’agit là en réalité – n’ayons pas peur des mots – ni plus ni moins, d’une confiscation d’une part très substantielle des recettes de ces Etats africains.
Autre confiscation, tout aussi très lucrative et très avantageuse pour la France, c’est le dépôt des réserves d’or de ces 14 pays africains membres de la zone franc dans les coffres français. Il s’agit, en effet, de garantir le F CFA. Mais, là encore, la France en tire un avantage très substantiel car cet or africain s’ajoute aux réserves d’or de l’Etat français lui permettant, ainsi, de figurer en bon rang parmi les Etats occidentaux dont les réserves d’or sont les plus élevées.
Très concrètement, c’est donc grâce au dépôt de l’or africain dans ses coffres que la France arrive après les Etats-Unis (8100 tonnes), l’Allemagne (3400 tonnes), le Fonds monétaire international – FMI (2800 tonnes) et l’Italie (2450 tonnes), et la Russie (2000 tonnes).
Cela représente un avantage non négligeable surtout en période de crise et c’est surtout un bon moyen par exemple de rassurer les agences de notation et les marchés financiers auxquels la France emprunte des fonds qui lui permettent de boucler son budget.
Mais, l’autre aspect tout aussi pervers est que le F CFA permet à la France de corrompre plus facilement les élites de ces pays de la zone franc et d’imposer la présence des sociétés multinationales, notamment, Total, Areva, Bolloré, Bouygues, etc. dans les marchés publics de ces pays, avec à la clé, des contrats très opaques, et surtout, très désavantageux pour ces Etats et donnant lieu à des versements de commissions et de rétro-commissions bien juteuses aux dirigeants de ces pays et aux membres de leur famille.
Cet infantilisme financier et l’irresponsabilité dans laquelle sont maintenus ces Etats n’est pas sans conséquence. Comme on vient de le souligner, cela est à l’origine de la corruption et des détournements d’une part importante des fonds publics ; cela engendre des problèmes économiques qui font de ces pays des « assistés chroniques ».
Cela constitue l’une des causes de l’immigration et tout le monde le sait fort bien.
Au plan politique.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que dans son essence même, le F CFA est avant tout, un puissant levier de régulation géopolitique comme l’avait voulu son créateur, le Général de Gaulle.
En effet, depuis son origine, le F CFA a toujours été un instrument de régulation géopolitique et permet une ingérence directe de la France dans les affaires de ces pays. Par exemple, dans la crise post-électorale en Côte d’Ivoire, en 2011, il avait suffi à Nicolas Sarkozy d’actionner ce levier pour mettre Laurent Gbagbo en difficulté (notre photo montre Emmanuel Macron avec Alassane Ouattara qui est le principal défenseur du F CFA en Afrique).
Par ailleurs, il faut souligner qu’il y a indiscutablement une corrélation entre le F CFA et l’absence de véritable démocratie et d’alternance politique à la tête de ces pays, notamment, en Afrique centrale. Et là encore, il est vrai que la France joue un jeu très pervers.
En effet, il y a, en vérité, une entente tacite entre la France et les dictateurs sanguinaires et corrompus de ces pays, qui fait que pour assurer leur longévité au pouvoir, ces derniers pratiquent une politique de révérence envers la France qui, en retour, les protège tout en les laissant spolier leurs populations.
Bienvenu MABILEMONO