GABON : Le parlement va être saisi pour destituer le président de la République

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Dans son arrogance qui l’a, toujours, caractérisé, Bongo Ondimba Ali (BOA) a, juste, fait le dos rond, après avoir appris le programme de ses détracteurs. Faussaire hors pair, devenu président de la République, BOA a de quoi faire sauter toute la République du Gabon. A commencer par la CENAP et, surtout, la Cour constitutionnelle qui aurait dû (pu) s’auto-saisir quand, urbi et orbi, BOA avait, lui-même, déclaré, à Radio France Internationale, dans une émission de grande écoute, que l’acte de naissance qu’il avait utilisée, lors des élections de 2009, était un « faux ». Lui-même l’a dit de sa propre bouche ! N’ayant pas tiré les conséquences, la Cour constitutionnelle aurait dû faire respecter la constitution, en ouvrant une enquête à des fins de destitution du président faussaire. La Cour ne l’a pas fait. Il n’est sans doute pas trop tard pour bien faire. Pour se rattraper.

Après la sortie du brûlot de Pierre Péan (Nouvelles affaires africaines : Mensonges et pillages au Gabon, chez Fayard en 2014), les langues ont commencé à se délier au Gabon. Deux ans après, les uns et les autres aiguisent les machettes, prêts pour le combat.

Le BOA, disons-le franchement, aurait pu bénéficier de circonstances atténuantes s’il avait su composer comme son défunt père, le patriarche Ondimba, savait discuter avec ses fervents ennemis. Cela lui aurait permis de sauver le Gabon. On pense même que Péan ne serait pas allé jusqu’à publier ce livre qui est en train de le perdre. Mais, avec son entourage de « savants » qui l’encadrent au Palais du Bord de Mer, on n’a voulu rien entendre. Plus exactement, le Béninois, Maixent Accrombessi, directeur de Cabinet et véritable président du Gabon, a refusé toute négociation avec l’auteur, et l’a envoyé se faire foutre.

La coalition de l’opposition gabonaise Union sacrée pour la patrie (USP) a annoncé, ce lundi, 9 mai, qu’elle allait saisir le parlement pour demander la destitution du BOA, qu’elle accuse d’avoir falsifié son état-civil : « Au titre de la semaine qui va courir à compter du 9 mai 2016, l’Union sacrée pour la patrie va saisir le Parlement, l’ultime étape, avant de se retourner vers le peuple souverain, pour prendre rendez-vous avec l’histoire », affirme un communiqué de l’USP.

Le 23 avril, cette récente coalition, regroupant plusieurs partis d’opposition et des ONG de la société civile, avait lancé un ultimatum de deux semaines au chef de l’Etat pour retirer sa candidature à l’élection présidentielle prévue fin août ou démissionner de ses fonctions, faute de quoi, elle saisirait le Parlement pour obtenir sa destitution. Les émergents (du Palais du Bord de Mer) l’ont ignorée, l’humiliant même au passage.

Si le parlement tourne l’USP en bourrique, comme le lui aurait demandé la présidence de la République, ce sera la rue.

Pour montrer qu’il n’est en rien concerné, BOA a maintenu son voyage, à Kigali, du 11 au 13 mai (sauf changement de dernière minute). Une attitude suicidaire.

Les détracteurs d’Ali Bongo l’accusent d’avoir menti à propos de ses origines, et d’être un enfant nigérian adopté par le défunt président Omar Bongo durant la guerre du Biafra, ce qui pourrait l’empêcher de briguer un nouveau mandat.

Selon l’article 10 de la Constitution (que tous les Gabonais connaissent désormais par coeur), il faut être né Gabonais, jusqu’à la 4e génération, pour prétendre à la magistrature suprême. BOA doit prouver qu’il n’est pas concerné. Autrement dit, que sa mère s’appelle bien La Mama (Patience Dabany) comme il l’a, souvent, répété. Sauf que La Mama l’aurait accouché à 13 ans (par césarienne) à Brazzaville, en février 1959, ce qui est contesté par ceux qui ont travaillé sur cette question. Sur le plan de la médecine, la césarienne ne se pratiquait pas à Brazzaville, dans les années 60.

La science aurait pu mettre tout le monde d’accord : si BOA acceptait de se soumettre à un test ADN avec sa mère (La Mama), encore, vivante, à Libreville, ou n’importe lequel de ses frères ou sœurs. Mais BOA a refusé net de faire quoi que ce soit, ce qui a alimenté le doute.

Conséquence : à l’heure actuelle, au Gabon, il faut tirer directement ou indirectement profit de la présence de BOA à la tête du pays, pour le soutenir. Voilà qui explique une situation politique polluée au Gabon, comme on ne l’avait jamais vu auparavant.

Les deux camps sont bloqués et beaucoup craignent l’intervention de l’armée pour mettre les politiques d’accord. Il sera impossible d’aller aux élections dans de telles conditions. Est-ce pour cela que BOA, conscient de l’incertitude qui plane et de l’instabilité de la situation, n’a pas encore fixé la date de la présidentielle, alors qu’elle devrait, logiquement, se tenir le 28 août prochain ? A moins qu’il veuille prendre tout le monde de court, ce qui aggraverait encore plus la situation.

C’est dans ce climat gravissime que le médiateur de la République, Laure Olga Gondjout, est sorti de sa réserve pour implorer le président de la République de se rapprocher de l’opposition (comme savait le faire son père), afin de dialoguer et de sortir le pays de cette mauvaise passe. Mais, au lieu d’étudier cette sage proposition, les « profito-situationnistes » du Palais du Bord de Mer ont, d’ores et déjà, qualifié le médiateur de membre du parti PDG-Héritage et Modernité. Ce nouveau parti qui est composé, entre autres, des 14 députés, tous, anciens membres du PDG, aujourd’hui, démissionnaires de ce parti.

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