GENOCIDE AU RWANDA : Après les Français, les Rwandais sortent leur rapport qui pointe la « lourde responsabilité » de la France

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Sans doute, un échange de bons procédés, entre deux chefs d’Etat civilisés, le Rwandais, Paul Kagamé, et le Français, Emmanuel Macron. Après le génocide de 1994, qui met à mal les relations entre la France et le Rwanda, les deux chefs d’Etat cherchent comment les renouer de la façon la plus acceptable pour le Rwanda. Chaque partie a commencé par établir un rapport sur ce génocide. Celui confié à 14 historiens français est sorti le mois dernier. Le rapport sur la même question rédigé par un cabinet d’avocats américains à la demande du gouvernement rwandais vient, aussi, d’être publié,. Tout comme celui des historiens français, celui des Rwandais énonce, aussi, que la France « porte une lourde responsabilité » dans le génocide « prévisible » des Tutsi en 1994 au Rwanda. Mais, contrairement à celui des historiens français, celui des avocats américains va jusqu’à accuser l’Etat français de refuser toujours de reconnaître son rôle dans cette tragédie. On peut parler, ici, de mauvaise foi systématique de la France qui, comme pour les faits coloniaux, ne reconnaît jamais (jamais) sa responsabilité. Les avocats américains découvrent, aujourd’hui, dans leur enquête, ce que les Africains vivent, tous les jours, aux côtés de leur partenaire français.

Un mois après la publication des conclusions de l’historien français, Vincent Duclert, un nouveau rapport pointe du doigt la responsabilité de la France dans le génocide au Rwanda en 1994, qui a fait plus de 800 000 morts en trois mois, essentiellement, au sein de la minorité tutsi.

« Notre conclusion est que l’Etat français porte une lourde responsabilité pour avoir rendu possible un génocide prévisible », affirment les auteurs d’un rapport commandé par Kigali, en 2017, au cabinet d’avocats américain, Levy Firestone Muse, et publié, lundi, 19 avril.

Cette enquête estime, par ailleurs, que la France savait qu’un génocide se préparait, mais, a continué à apporter un « soutien indéfectible » au régime du président hutu, Juvénal Habyarimana. Ce soutien a perduré même lorsque « leurs intentions génocidaires étaient devenues patentes ».

Le rapport de près de 600 pages n’a pas pu établir de preuves quant à la participation de responsables ou du personnel français aux tueries, entre avril et juillet 1994. Mais, il rejette l’idée que Paris était « aveugle » face au génocide qui se préparait, comme l’a récemment estimé le rapport de l’historien français, Vincent Duclert, remis, fin mars, au président français, Emmanuel Macron, qui l’avait commandé.

La commission Duclert a conclu que si « rien ne vient démontrer » qu’elle s’est rendue complice, la France porte des « responsabilités lourdes et accablantes » dans la tragédie, notamment, en étant « demeurée aveugle face à la préparation » du génocide.

Le rapport du cabinet américain souligne, de son côté, que la France a été un « collaborateur indispensable dans l’établissement d’institutions qui deviendraient des instruments du génocide ».

« Aucun autre Etat étranger n’avait connaissance du danger représenté par les extrémistes rwandais tout en appuyant ces mêmes extrémistes (…). Le rôle du pouvoir français a été singulier. Pourtant, l’Etat français n’a toujours pas reconnu son rôle et ne s’en est toujours pas officiellement excusé », peut-on y lire.

Les auteurs du rapport accusent, également, la France d’avoir fait obstruction à leur enquête en ignorant ses demandes de documents.

Le rôle de la France dans le génocide empoisonne, depuis des années, les relations entre Paris et Kigali. Le président, Paul Kagame, qui a pris la tête du Rwanda après le génocide, a salué après sa sortie, le rapport français, estimant qu’il s’agissait d’un « important pas en avant ».

Nicolas Sarkozy avec Bernard Kouchner le 25 février 2010 à Kigali. En arrière plan, Louise Mushikiwabo à cette époque ministre des Affaires étrangères. Elle est l’actuelle secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie.

Emmanuel Macron devrait se rendre à Kigali en mai prochain. Objectif : détendre l’atmosphère toujours tendue entre les deux pays. Mais au risque que ce voyage se solde comme celui de Nicolas Sarkozy, en février 2010, il devrait faire ce que les Rwandais attendent depuis la fin du génocide : reconnaître la responsabilité de la France officielle (l’Etat) et demander pardon. Sans quoi, on continuera de tourner en rond. Pendant sa visite officielle du 25 février 2010, Nicolas Sarkozy qui était accompagné de son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, (leur photo à Kigali où on reconnaît en arrière plan Louise Mushikiwabo qui était la ministre rwandaise des Affaires étrangères) n’avait reconnu que … « de graves erreurs d’appréciation ». Sans plus. Son mentor, Edouard Balladur, qui était le premier ministre à l’époque, ne reconnaît, lui, « aucune faute » et pense même que la France est à féliciter pour avoir empêché d’autres drames au Rwanda.

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