Dans une récente interview accordée au magazine de droite, Valeurs Actuelles, l’ancien premier ministre français, François Fillon, soutient que le principal danger qui menace l’Europe, ce n’est pas la Russie de Vladimir Poutine, mais, l’islamisme triomphant qui est en train de gangréner la société, et ce sur tous les continents. François Fillon est connu pour des déclarations à l’emporte-pièce, parfois, loin de la vérité. Invité officiel du président camerounais pour assister aux cérémonies du 20 mai 2009, à Yaoundé, le premier ministre de Nicolas Sarkozy interrogé sur « l’assassinat par l’armée française de certains nationalistes camerounais » (comme Ruben Um Nyobe, Dr Félix Moumié, etc.), répliqua de façon très sèche que « tout cela n’était que de la pure invention ». Vraiment ? Alors que les qualificatifs de massacres, pogroms, génocides, sont régulièrement utilisés pour décrire l’extrême souffrance qu’endurèrent les Camerounais où on compta plus de 300.000 morts provoqués directement ou non par l’armée française et ses dirigeants dont le tristement célèbre, Pierre Messmer, gouverneur colonial au Cameroun pendant une partie de cette fâcheuse période.
La déclaration de François Fillon resta en travers de la gorge des Camerounais. Seize ans, plus tard, le président, Emmanuel Macron, lui, a reconnu ses nombreux massacres au point qu’il a diligenté une enquête menée par une grande Commission d’historiens français et camerounais, 24 au total, sous la coprésidence de l’historienne française, Karine Ramondy de l’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne et de l’artiste camerounais, Blick Bassy, dont le père fut un résistant de l’UPC (Union des populations du Cameroun). L’UPC fut la bête noire du pouvoir colonial français. Après deux années de recherches assidues aussi bien dans les archives françaises que camerounaises, notamment, auprès des témoins de cette période trouble encore en vie, la Commission a remis son rapport de 1.000 pages, respectivement, à Emmanuel Macron, le 21 janvier et à Paul Biya, le 28 janvier 2025. Quand on pense que François Fillon avait nié cette responsabilité historique de la France, on peut avoir de sérieux doutes quant à la clairvoyance de son analyse sur l’islamisme. Voici ce qu’il a déclaré dans ce magazine français tout récemment :
« La montée du totalitarisme islamique nous menace beaucoup plus directement en raison de notre proximité avec le Moyen-Orient et l’Afrique. Mais aussi parce qu’un nombre croissant d’habitants de l’Europe sont perméables à cette idéologie. Celle qui se pare des habits de l’islam pour dissimuler un projet politique n’ayant rien à envier au nazisme ou au stalinisme qui ont défiguré le XXe siècle (sur notre photo, Vladimir Poutine chuchote à l’oreille de François Fillon, preuve d’une grande complicité).
L’islamisme radical ne cesse de progresser depuis trente ans, nourri par le sous-développement, les régimes corrompus, mais également, par les interventions militaires occidentales en Irak ou en Afghanistan, et la non-résolution de la question palestinienne.
La défaite de l’Etat islamique en Irak et au Levant n’y a rien changé car le mouvement est profond. Il progresse en Asie du Sud-Est, en Asie centrale, au Moyen-Orient et dans une large partie de l’Afrique. Il gagne du terrain en Europe où une partie croissante des populations de religion musulmane se plient aux règles d’un islam radical, autoritaire, liberticide, qui représente un danger réel et immédiat pour nos valeurs et notre mode de vie » (fin de citation).

François Fillon prend, directement, dans cette interview, la défense du président russe qui est son ami. Pilier des réseaux franco-russes depuis la chute de l’URSS, il a été décoré par Vladimir Poutine en 2017 de l’ordre de l’amitié. Il faut dire qu’entre 2012, année de son départ de la primature française suite à la défait de Nicolas Sarkozy, à la présidence de la République face au socialiste, François Hollande, il a effectué plusieurs allers retours entre la France et la Russie où il mène d’intenses activités de conseil. En mai 2023, il faisait son grand retour à l’Assemblée nationale (pas comme député) après une convocation par la Commission d’enquête sur les ingérences étrangères, présidée par le député du Rassemblement national (extrême-droite), Jean-Philippe Tanguy. Reconverti dans le conseil (après son départ définitif de la politique), François Fillon devait s’expliquer sur son activisme en Russie. C’est ce même activisme qui le pousse à défendre son ami, le président russe, dans cette interview.