NECROLOGIE : La BAD rend hommage à son ancien président Babacar Ndiaye décédé

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Décédé le 13 juillet 2017 au Sénégal, Babacar Ndiaye (notre photo) était le 5e président élu du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), élu deux fois, entre 1985 et 1995.

En présence de la veuve du défunt, Marlyne Ndiaye, de plusieurs de ses enfants, de l’ancien président de la BAD, Kantinka Kwame D. Fordwor, de membres des gouvernements sénégalais et ivoirien, de représentants du corps diplomatique à Abidjan, ainsi que, de nombreux membres du personnel de la BAD (encore en activité ou à la retraite), Akinwumi Adesina, l’actuel président de la BAD, a rappelé l’engagement total de feu Babacar Ndiaye au service du développement de l’Afrique.

« Babacar Ndiaye était une icône de la BAD, il était le père, le mentor de chacun d’entre nous, a lancé avec emphase le président actuel du Groupe de la Banque. Il nous a inspirés. Avec lui, l’Afrique a perdu un de ses meilleurs fils ».

Le président Adesina a souligné les liens personnels qui l’unissaient à son prédécesseur, rappelant qu’il l’avait connu alors que lui-même travaillait pour l’Association pour le développement de la riziculture en Afrique de l’Ouest (ADRAO), basée à l’époque à Bouaké, en Côte d’Ivoire.

« Babacar Ndiaye avait pouvoir d’attraction, il laisse une empreinte indélébile sur notre continent. Son héritage est immense car il voyait toujours les choses en grand. Il était tout simplement formidable », a insisté Ankinwumi Adesina.

Et d’ajouter : « Pendant la campagne pour la présidence de la BAD, je suis naturellement passé le voir à Dakar. Il m’avait alors réservé un accueil chaleureux. J’en ai profité pour lui présenter les grands axes de ma vision structurée autour des High 5s. Il y a tout de suite adhéré et m’a dit : “c’est ce dont l’Afrique a besoin pour se transformer” ».

Une vidéo projetée, peu après l’intervention de M. Adesina, a retracé le parcours de vie du défunt et son ascension professionnelle à la BAD qui l’avait recruté en 1965, soit, une année, seulement, après sa création.
Arrivé dans l’institution parmi les premiers cadres africains, il en a, ensuite, gravi les échelons pour devenir, progressivement, chef de Division, directeur, vice-président chargé des Finances, puis, président en 1985. Babacar Ndiaye a été le premier président de la BAD reconduit à l’issue de son premier mandat.

C’est également sous son magistère que l’institution financière panafricaine a obtenu, en 1984, sa première note « Triple A ».
L’ancien président avait, aussi, été l’artisan de l’augmentation du capital de la Banque en 1987, lequel a bondi de de 6 milliards à 22 milliards d’Unités de compte – soit, une hausse de 200 % – après avoir entériné le processus d’ouverture du capital de la Banque à des Etats non africains. C’est lui, également, qui a fait entrer la Banque sur les marchés financiers internationaux.

« Babacar Ndiaye a accompli un immense travail au service de la BAD et de l’Afrique. Il prônait, toujours et partout, l’excellence. Nous lui devons d’avoir érigé la BAD en une institution crédible et respectée sur la scène internationale », a déclaré Donald Kaberuka, ancien président de la BAD (2005-2015), dans un message lu en son nom, par le directeur de la Communication et des relations extérieures de la BAD, Victor Oladokun.

Un bâtisseur d’institutions

Au-delà de son investissement total pour le rayonnement de la BAD et pour doter la doter de fondations solides, Babacar Ndiaye aura œuvré à la mise en place de grandes institutions panafricaines, telles que la Banque africaine d’import-export, Afreximbank, Shelter Afrique, ou encore, la Table ronde des hommes d’affaires d’Afrique. Venus du Caire, de Lagos et de Nairobi, des émissaires ont été, spécialement, dépêchés par ces organisations pour assister à la cérémonie d’hommage, jeudi.

« Sans Babacar Ndiaye, des capitaines d’industries africains comme Aliko Dangoté ou Michael Ibru ne seraient, sans doute, jamais devenus ce qu’ils sont aujourd’hui. Babacar Ndiaye aura mis toute sa conviction et sa persévérance au service du monde des affaires africain. Nous lui resterons, éternellement, reconnaissants », a affirmé Bamanga Tukur, président de la Table ronde des hommes d’affaires d’Afrique.
Christopher Edordu, président-fondateur d’Afreximbank, a souligné les qualités de visionnaire du défunt, qui ont lui permis de ne rien céder à l’afro-pessimisme de l’époque quant à l’opportunité de financer le commerce en Afrique.

« La gestation d’Afreximbank a pris plus de six ans. Là où d’autres auraient abandonné, Babacar Ndiaye a fait preuve de persévérance et de patience. Il croyait, fermement, en l’avenir du commerce africain, à un moment où cette conviction était bien peu partagée. En voyant ce que nous sommes devenus aujourd’hui, il faut reconnaître qu’il a été un vrai visionnaire », a expliqué Christopher Edordu.

En réalité, ce n’est pas la seule fois que le 5e président élu de la BAD aura eu raison contre tous. En effet, alors même que le logement et l’habitat n’étaient pas, encore, au cœur des enjeux urbains et de développement en Afrique, il avait encouragé la création de Shelter Afrique, institution dédiée au financement du logement abordable sur le continent.

« Babacar Ndiaye avait su anticiper, a reconnu Edmond Adikpe, représentant régional de Shelter Afrique. Il a compris, très tôt, que l’Afrique ne ferait pas l’économie de s’intéresser aux problématiques du logement et de l’habitat. A Shelter Afrique, nous lui sommes, éternellement, reconnaissants pour tout ce qu’il a fait pour notre création et notre évolution ».

A mesure que les témoignages se succèdent, l’émotion ne retombe pas dans la salle tantôt recueillie, tant contrainte de surpasser sa tristesse pour applaudir des paroles fortes. Notamment lorsque fut rappelé que Babacar Ndiaye demeure le seul président de l’histoire de la BAD à être issu de son personnel.

« Il avait été installé dans ses fonctions en 1985 au Palais des congrès d’Abidjan en présence du président, Félix Houphouët-Boigny, qui tenait tant en estime la Banque africaine de développement », a rappelé Paul Morisho Yuma, ancien secrétaire de la BAD, provoquant une « standing ovation » de la salle.

« Le Sénégal est fier de vous »

S’il a consacré toute sa vie au service de l’Afrique, Babacar Ndiaye n’a pas pour autant oublié le Sénégal, son pays d’origine. Selon le ministre sénégalais du Budget, Birima Mangara, gouverneur de la BAD pour le Sénégal et venu, spécialement, de Dakar pour assister à la cérémonie, le défunt a, considérablement, contribué à l’essor de la coopération bilatérale entre son pays et la Banque : « De 1972 à ce jour, la BAD a investi près de 1 400 milliards de F CFA au Sénégal. Nous le devons à vous tous ici présent. Mais nous le devons surtout à Babacar Ndiaye ».

« Le Sénégal est fier de vous comme fils. Babacar Ndiaye n’est pas parti, il est présent dans les profondeurs de l’Afrique. On entend son souffle dans l’Afrique qui bouge », a ajouté le ministre sénégalais du Budget, paraphrasant le poète Birago Diop.

Assise au premier rang, tout de blanc vêtue, Marlyne Ndiaye, la veuve du défunt acquiesce de la tête, les larmes aux yeux parfois. Arrivé, en 1965, à Abidjan, feu Babacar Ndiaye a tissé une relation spéciale avec la Côte d’Ivoire, pays-siège de la Banque. Pas moins de trois ministres ivoiriens étaient, d’ailleurs, présents jeudi dans l’auditorium de la BAD pour en témoigner.

« C’était un ami de la Côte d’Ivoire. Babacar Ndiaye nous manquera à tous ; il manquera au président, Alassane Ouattara, qui le connaît bien et qui l’appréciait beaucoup. Il était un vagabond du développement de l’Afrique », a affirmé François Albert Amichia, ministre des Sports et des Loisirs qui conduisait la délégation gouvernementale ivoirienne.

Perpétuer sa mémoire

L’émotion, déjà, très forte, franchit un nouveau cran lorsqu’Alassane Ndiaye, fils du défunt, prend la parole au nom de la famille. Il remercie, d’abord, très fortement, la Banque pour avoir pris l’initiative d’organiser la cérémonie d’hommage en l’honneur de son cinquième président élu. En effet, c’est la toute première fois que la BAD organise un tel hommage solennel à la mémoire d’un de ses présidents décédés.

« Toute la famille est fière et reconnaissante de l’organisation de cette cérémonie. Ce que vous avez fait et dit ce jeudi nous touche énormément et nous va droit au cœur », a insisté le porte-parole de la famille Ndiaye, sur un ton très ému.

Il a plaidé pour que les participants à la cérémonie poursuivent dans la voie tracée par son père.

« Il souhaitait le meilleur pour l’Afrique. Il avait la conviction et l’amour d’une Afrique meilleure. Continuons à travailler pour un meilleur avenir de notre continent. Ce serait la meilleure et unique façon de perpétuer son ambition et sa mémoire », a espéré Alassane Ndiaye.

Reprenant la parole, le président, Adesina Akinwumi, a annoncé que l’auditorium du siège de la BAD, à Abidjan, porterait, désormais, le nom de Babacar Ndiaye.
« Apporter la lumière partout où elle manque, nourrir et éduquer les enfants, garantir l’autosuffisance alimentaire, promouvoir les peuples et les idées, redonner espoir à ceux qui l’ont perdu : tels sont les idéaux auxquels Babacar Ndiaye a consacré sa vie. Nous devons désormais travailler à concrétiser ses espérances à travers la mise en œuvre des High 5s », a déclaré Charles Boamah, premier vice-président de la BAD, en conclusion de la cérémonie.

En juillet dernier, une délégation de haut niveau de la Banque, conduite par Charles Boamah, vice-président principal de la Banque, avec les vice-présidents, Alberic Kacou et Amadou Hott, le vice-président intérimaire, Hassatou N’Sele, ainsi que, Sipho Moyo, directrice des opérations spéciales, avait assisté aux obsèques de Babacar Ndiaye à Dakar.

Lors de son passage dans la capitale sénégalaise, le président Adesina s’était rendu, lundi, 12 septembre 2017, au domicile de son prédécesseur pour renouveler sa compassion et son soutien à sa veuve et à ses enfants.

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Témoignages.

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