PRESIDENTIELLE EN RDCONGO : Déclenchement du rouleau compresseur de la machine à perdre

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La honte ! La terrible déception ! La très grande désillusion ! Chacun qualifiera cela comme il l’entend. Toujours est-il que l’unité tant saluée ces dernières semaines n’a même pas tenu 24 heures : deux poids lourds de l’opposition congolaise ont annoncé dès lundi, 12 novembre, qu’ils se retiraient de l’accord qu’ils avaient signé la veille pour désigner un candidat unique de l’opposition à l’élection présidentielle prévue le 23 décembre en République démocratique du Congo (RDC). On n’a pas besoin d’être le marabout de Sassou-Nguesso pour savoir que Joseph Kabila a sablé le champagne, maintenant qu’il commence, vraiment, à être rassuré de la possible réalisation de son plan de maintien (via son candidat) au pouvoir. Du coup, la retraite anticipée de sa charge de prêtre du cardinal, Laurent Mosengwo, il y a, quelques jours, prend toute son importance. Afriqueeducation.com avait alors titré : « Présidentielle en RDC : Le cardinal Laurent Mosengwo en embuscade » (2 novembre 2018 à 12h38), s’attirant quelques foudres de fidèles catholiques rdcongolais.

Les présidents de l’UDPS, Félix Tshisekedi, et de l’UNC, Vital Kamerhe, affirment avoir reculé sous la pression de leur base à Kinshasa, après l’accord surprise, à huis-clos, à Genève, avec cinq autres ténors sur le nom d’un opposant moins connu : Martin Fayulu.

D’après cet accord, Martin Fayulu, à la tête d’un parti représenté au parlement par sa seule personne, devait défendre les chances de l’alternance face à l’ex-ministre de l’Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat de Joseph Kabila, au pouvoir depuis près de 18 ans et qui a accepté de se retirer. Non sans mal.

Tout semble à refaire au sein de l’opposition après le coup de théâtre de lundi soir.

« J’ai compris que l’acte posé à Genève a été mal compris et rejeté par la base. Par conséquent, je retire ma signature de cet accord que nous avions signé hier dimanche au nom de l’UDPS », a déclaré Félix Tshisekedi. Très mauvais joueur.

En colère, les militants réunis au siège de l’UDPS à Kinshasa (vraisemblablement montés par certains radicaux du parti) lui avaient demandé, plus tôt, dans la journée, de ne pas se retirer au profit de Martin Fayulu et de maintenir sa candidature.

« On ne comprend pas pourquoi il peut se désengager pour un candidat impopulaire. Pour nous à l’UDPS c’est un affront. Nous disons que le président Tshisekedi doit se ressaisir et revenir à la raison », avait déclaré le secrétaire général de l’UDPS, Jean-Marc Kabund.

« Au cas contraire – c’est la base qui décide – il sera destitué », avait même menacé Simon Kashama, autre militant radical de l’UDPS.

« On n’a pas fait 36 ans de lutte pour chercher un candidat commun, mais, pour chercher une alternance, conquérir le pouvoir », a-t-il poursuivi.

Quelques minutes après Félix Tshisekedi, l’ex-président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, a embrayé à son tour la marche arrière toute sur la radio Top Congo : « J’annonce donc que je retire ma signature pour respecter la volonté de ma base. Sans cette base, je vais moi-même m’auto-exclure du parti. A quoi ça sert d’être leader sans base ? ». Très bonne question de Vital Kamerhe sauf qu’elle aurait dû être posée à sa base avant les différentes rencontres des sept leaders de l’opposition pour avoir son autorisation.

Les dissensions constatées aujourd’hui ne sont que la conséquence d’une rivalité ancienne entre leaders politiques : l’UDPS et l’UNC ont, par exemple, prêté des intentions cachées aux deux autres signataires de l’Accord de Genève, l’ex-gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, et l’ex-vice-président, Jean-Pierre Bemba.

Tous deux n’ont pas pu se présenter à l’élection présidentielle.

L’Accord de Genève et la désignation de M. Fayulu représentent « un hold-up destiné à privilégier d’autres agendas », a accusé l’UNC.

La déclaration de Genève, qui demandait le retrait préalable à l’élection de l’utilisation de machines à voter (qui permettront aux électeurs de choisir les candidats et d’imprimer les bulletins de vote), sans quoi le scrutin serait « une parodie d’élection », « tend vers un boycott et des négociations avec Kabila », a déclaré le secrétaire général de l’UDPS.

« L’UDPS n’est pas partie prenante pour une éventuelle négociation politique avec Kabila au cas où les élections ne seraient pas organisées le 23 décembre. Nous tenons absolument à ce que les élections soient organisées le 23 décembre », a martelé Jean-Marc Kabund.

L’UDPS est prête à aller aux élections « avec ou sans » la machine à voter, a-t-il rappelé.

Vingt-et-une candidatures avaient été validées par la Cour constitutionnelle pour la succession du président Kabila, au pouvoir depuis janvier 2001.

Bientôt, la confusion risque d’être générale, favorisant le candidat du pouvoir. Cette situation (fatale pour le peuple) peut encourager la société civile et l’église catholique à pousser le cardinal, Laurent Mosengwo, afin qu’il fasse irruption dans le paysage politique pour sauver la démocratie en péril.

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