Relations franco-africaines : Pour une France moins arrogante et plus solidaire

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Avec plus de 28% au premier tour, soit 1,5 point de plus que le « candidat sortant », la France pourrait se donner un nouveau président, au soir du 6 mai 2012. Nicolas Sarkozy deviendrait alors de l’histoire ancienne.

Bien que ne votant pas (je suis camerounais à 200%), j’ai pris part, en tant que leader d’opinion, à cette élection qui nous concerne tous. Comme je l’avais fait en 2007, en invitant à voter Ségolène Royal. Mais je ne suis ni de gauche, ni de droite, ni du centre, ni de rien du tout. L’échec de Ségolène, à cause des divisions dans son camp, m’avait rendu triste. J’avais ample-ment raison de m’inquiéter.

Je ne vais pas, aujourd’hui, tirer sur l’ambulance. Parlons, plutôt, des relations futures que les pays africains souhaitent avoir avec le nouveau président français.

« Le colonialisme est fini », avait déclaré Michel Rocard dans Afrique Education dans une interview qu’il m’avait accordée en 1998. L’ancien premier ministre de François Mitterrand était allé très vite en besogne alors qu’un gouvernement de gauche, sous la conduite de Lionel Jospin, gérait la France, et donc, les relations franco-africaines. La suite s’est bien révélée triste. Jacques Chirac s’est imposé en mai 2002 avec un score défiant celui d’un chef d’Etat africain. Et la machine françafricaine, qui s’était un tout petit peu retenue, s’est à nouveau emballée. Au grand dam des peuples africains. Nicolas Sarkozy qui l’a remplacé, malgré sa volonté de « rupture », affichée dans les dis-cours, a conduit une politique du pire. Je pèse mes mots : il a abîmé les relations franco-africaines et ce, sur tous les plans : politique, économique, diplomatique, culturel, sportif, militaire. Bref, si Dieu éprouve encore quelques rares sentiments pour l’Afrique, qu’il nous trouve un autre partenaire à l’Elysée. Plus Sarkozy.

jpt

Et si c’était François Hollande ? Tant mieux ! Mais qu’il sache qu’on ne lui donnera pas un chèque en blanc. Je pense que l’Afrique aurait mieux travaillé avec une France dirigée par Ségolène Royal, dans une sorte de partenariat gagnant-gagnant. Je souhaite que François Hollande aide à tirer l’Afrique vers le haut.

Les relations franco-africaines ont besoin des personnalités hors de tout soupçon, qui l’aident à aller de l’avant. Avec Sarkozy , on a régressé. On a perdu cinq ans. Il faut maintenant essayer de rattraper ce temps perdu, en soldant d’abord le passif de ces relations, afin que nous passions à autre chose.

L’Afrique, réservoir des matières premières, rêve de tirer la croissance de l’économie mondiale. Elle voudrait compter, comme l’Asie du Sud-Est, aujourd’hui, ses pays émergents.

Nous avons besoin de discuter « stratégies industrielles », « meilleur accueil des entreprises françaises en Afrique noire » au lieu que celles-ci aillent (systématique-ment) s’implanter en Asie du Sud-Est, « partenariat scientifique et recherche-développement », etc. Voilà quelques sujets qui nous intéressent et qui ne demandent que la volonté politique de part et d’autre.

Nous voulons une France humble, une France non arrogante, une France non suffisante d’elle-même.

Nous voulons avoir à travailler avec des dirigeants français qui sachent nous parler. Pas des partenaires qui nous regardent de haut.

Nous voulons collaborer avec des universitaires qui ne nous tiennent pas un dis-cours démagogique. Et puis, plus de « paternalisme », ni de « condescendance » dans nos relations. Pour paraphraser Michel Rocard, plus de « colonialisme ».

Cette France que je décris existe. Ces Français et ces Françaises dont je parle, je les rencontre tous les jours dans Paris et ailleurs. Nous demandons à François Hollande de prendre tout le temps nécessaire pour les trouver, avant de se tourner vers nous. Car l’échec dans les relations franco-africaines n’est plus permis.

J’ai dit en démarrant ce texte que j’ai gardé ma nationalité camerounaise dont je suis fier. Pourquoi ne pas l’être quand le « président sortant » a passé son temps à stigmatiser les « immigrés » : comme si, avant lui, Charles Pasqua et Jean-Louis Debré avaient été des enfants de chœur, il a fait voter 5 nouvelles lois sur l’immigration en 5 années de présence à l’Elysée. Conséquence : 18% pour le Front national, au soir du 22 avril. Je demande au « président sortant » : tout çà pour çà ?

L’Afrique est en colère contre Sarkozy . François Hollande ne mettra pas beaucoup de temps pour constater qu’entre la France et l’Afrique, ce n’est pas un fossé qui les sépare mais un gouffre. Il faut qu’il aide tous ceux qui désespèrent des relations franco-africaines. Pour que les Africains et les Français puissent, à nouveau, s’apprécier. Car, aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

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