REPARATIONS COLONIALES ET AUTRES : L’EXEMPLE QUI VIENT DE SILVIO BERLUSCONI

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L’Italie va verser à la Libye cinq milliards de dollars sur les 25 prochaines années au titre de dédommagements pour la période coloniale, selon un accord historique signé entre le guide libyen, Mu’ammar al Kadhafi, et le président du conseil italien, Silvio Berlusconi. L’accord portera sur un montant de 200 millions de dollars, par an, durant les 25 prochaines années, sous forme d’investissements dans des projets d’infrastructures en Libye. Il met fin à 40 ans de désaccord entre les deux pays et s’interprète comme une reconnaissance concrète et morale des dommages infligés à la Libye par l’Italie pendant la période coloniale. Parmi les projets qui seront financés par l’Italie figure la construction d’une autoroute traversant la Libye d’Ouest en Est, de la Tunisie à l’Egypte, réclamée par Tripoli. L’accord prévoit également la construction d’un très grand nombre de logements, l’installation d’entreprises italiennes en Libye, l’octroi des bourses à des étudiants libyens en Italie et des pensions pour des mutilés victimes de mines anti-personnel posées par l’Italie pendant la période coloniale. Cet accord prévoit aussi une coopération dans la lutte contre l’émigration clandestine qualifiée par Silvio Berlusconi de « lutte contre les commerçants de l’esclavage ». L’Italie a toujours réclamé davantage d’efforts de la part de la Libye pour lutter contre l’immigration clandestine, mais une telle coopération achoppait sur les compensations réclamées par Tripoli pour plus de trente ans d’occupation italienne de 1911 à 1942.

Cet accord entre l’Italie et la Libye suscite des réactions (très positives) sur le continent africain, où, régulièrement, s’élève la demande de compensations similaires pour la période de l’esclavage, et celle de la colonisation. La France, la Grande Bretagne ou encore le Portugal, principales puissances coloniales en Afrique, n’ont pas encore eu le courage du Cavaliere pour s’engager sur cette voie. Ils préfèrent encore pratiquer la politique de l’autruche en estimant que la page coloniale est tournée. Ce qui les arrange, c’est une « coopération » tournée vers l’avenir comme ils disent. Mais de cette « coopération » qui a permis de maintenir la domination des anciens colonisateurs, les Africains ne veulent plus. La France, l’Angleterre et le Portugal devront donc se regarder dans le miroir maintenant que l’Italie, pays européen comme eux, a accepté de payer pour une période historique qui est en tous points comparable à ce qu’ont pratiqué les autres puissances européennes. Ce type de « réparations » s’appliquait jusqu’ici essentiellement aux crimes liés à des guerres : l’Allemagne et le Japon ont ainsi payé des sommes considérables après la deuxième guerre mondiale, tant aux Etats-Unis qu’aux victimes individuelles.

L’esclavage et le colonialisme ont été traités de façon sélective c’est-à-dire avec discrimination. En France, par exemple, où Nicolas Sarkozy, fils d’immigré hongrois veut carrément gommer l’histoire coloniale de la France, la loi Taubira du 10 mai 2001 qualifie l’esclavage de « crime contre l’humanité ». Malheureusement, elle ne porte que sur la mémoire, et non sur les réparations. Une manière très française de faire qui consiste à reconnaître sans assumer. S’agissant du colonialisme, c’est encore plus complexe. On se souviendra de la bronca engendrée, en France, par la loi du 23 février 2005 enjoignant aux professeurs d’histoire d’enseigner les bienfaits de la colonisation. Sarkozy, dans un premier temps, avait soutenu cette bronca, avant de faire profil bas : la présidentielle française approchait à grands pas. Depuis, il est passé à la reconnaissance tardive d’un « colonialisme profondément injuste », selon sa formule alambiquée prononcée lors de son voyage en Algérie en décembre 2007. Mais de compensation, il n’a jamais été question.

C’est un fait : la France refuse de payer. Mais tôt ou tard, elle finira par le faire, qu’elle le veuille ou non. Elle paiera même pour son néo-colonialisme ambiant en Afrique.

Il y a aussi la question de l’évaluation du dommage. L’Italie paie ainsi cinq milliards de dollars pour seulement trente-deux ans d’administration italienne de la Libye. La France devra payer non seulement les cinq cents ans passés en Afrique, mais aussi les ravages provoqués par son système d’exploitation contemporaine cadenassé par un quadrillage à partir des bases militaires qui ne permettent pas aux peuples africains à disposer d’eux-mêmes.

Merci donc au Cavaliere d’avoir ouvert cette boîte de Pandore sans fond. Elle a déjà le mérite de montrer Nicolas Sarkozy sous son vrai visage. Celui qu’on ne connaît pas encore en Afrique.

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