MAURITANIE : LES MILITAIRES, UNE RACE DE NUISIBLES ?

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Mais qui est donc ce Mohamed Ould Abdel Aziz qui, au lendemain de son coup d’état de mercredi 6 août 2008, s’est autoproclamé président du Haut conseil d’Etat de Mauritanie, après avoir pris soin de mettre au cachot, le président démocratiquement élu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi ? Général de brigade, le nouvel homme fort  de Nouakchott était jusque-là chef du bataillon de la garde présidentielle, la force d’élite mauritanienne. Il avait été, avec le général Ould Cheikh Mohamed Ahmed, actuel chef de l’armée, l’un des principaux instigateurs du putsch d’août 2005 contre le régime autoritaire du colonel-président Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya, lui-même arrivé au pouvoir en 1984 par un coup d’état militaire. Le putsch de 2005 avait débouché sur un processus de transition démocratique exemplaire. En effet, c’était la première fois qu’un pays membre de la Ligue arabe et la deuxième fois qu’un pays membre de l’Union Africaine, sortant d’une dictature militaire, connaissait des élections législatives et présidentielles pluralistes avec des résultats reconnus par tous comme transparents et crédibles.

Selon la junte désormais au pouvoir, Sidi Ould Cheikh Abdallahi  dilapidait les acquis du gouvernement de transition que dirigea d’août 2005 à mars 2007 le colonel Ely Ould Mohamed Vall. En réalité, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi avait ignoré l’armée avant de constituer son gouvernement d’ouverture de mai 2008. Deux partis de l’ancienne opposition y avaient fait leur entrée ainsi que quelques figures du régime de l’ancien président Taya. Conséquence, sous l’impulsion de certains généraux énervés, un groupe de députés tous issus de la majorité présidentielle, a déposé une motion de censure. Un nouveau gouvernement a été formé, en juillet, sans grand résultat non plus, poussant cette fois-ci ces mêmes députés à menacer le pouvoir d’une nouvelle motion de censure. Parallèlement, ils demandaient la convocation d’une session extraordinaire du parlement et la mise en place d’une commission d’enquête chargée de faire un audit sur la Fondation des œuvres sociales de la première dame de Mauritanie. On connaît la suite : mercredi 6 août, sans doute exaspéré, le chef de l’Etat a cru bon de tenter de reprendre la main en limogeant (maladroitement) les principaux chefs de l’armée, en d’autres termes, ceux qui l’avaient aidé à devenir président de la République. Ne l’entendant pas de cette oreille, ces derniers ont immédiatement riposté en le destituant.

La Mauritanie, cet été 2008, se retrouve donc à la case départ, comme exactement en août 2005, quand l’armée renvoya chez lui le dictateur Taya avant de retourner dans les casernes 17 mois plus tard après avoir organisé des élections propres auxquelles ne prit part aucun militaire. Mais la comparaison s’arrête là car contrairement à Taya qui arriva au pouvoir par un coup d’état, Abdallahi, lui, avait été élu au suffrage universel.

Voilà pourquoi cette prise de pouvoir par la force mérite d’être fermement condamnée car les militaires mauritaniens ne sont pas des illuminés pour imposer leurs vues aux électeurs qui avaient fait confiance à Abdallahi à 52%. Si après avoir limogé les dignitaires de l’armée, celle-ci s’autorisait à faire un putsch, il n’existerait pas beaucoup de régimes civils en Afrique, et même dans le monde. Mohamed Ould Abdel Aziz ne peut donc convaincre que les Mauritaniens qui ne respectent pas le verdict des urnes de mars 2007. Son action avec les militaires qui l’ont suivi, doit être condamnée avec la dernière énergie par l’Union Africaine, la Ligue arabe, les Nations-Unies, bref, par la communauté internationale. Sa place est dans les casernes et non à la tête de l’Etat mauritanien. Il doit restituer le pouvoir à Sidi Ould Cheikh Abdallahi et laisser les instances démocratiques républicaines (parlement, partis politiques, presse, société civile, etc.) contrer la politique du chef de l’Etat dans le strict respect de la constitution en vigueur. S’il est vraiment nul, le parlement lui réglerait son compte et si tel était le cas, il n’aurait aucune chance s’il se présentait à nouveau à la prochaine présidentielle.

Pour empêcher le putschiste Aziz de gagner du temps, il faut que l’Union Africaine et la Ligue arabe de concert avec les Nations-Unies et les capitales occidentales, fassent un blocus général du pays qui puisse l’asphyxier et le contraindre à quitter immédiatement le pouvoir et à le restituer à son détenteur légitime, Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Sinon, ce recul de la démocratie auquel nous assistons, aujourd’hui, donnerait libre cours à la désintégration totale de la Mauritanie qui deviendrait ainsi un nid propice à la propagation de l’islamisme et de ses thèses nauséabondes en Afrique de l’Ouest.

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