Même en prison, l’ancien dictateur du Tchad, réfugié au Sénégal, depuis sa chute, le 1er décembre 1990, est, toujours, dangereux. L’ancien premier ministre du Sénégal, Aminata Touré, le vérifie à ses dépens, elle qui devra comparaître pour faux et usage de faux, devant la Cour d’Appel de Dakar, lundi, 18 avril 2016.
L’affaire porte sur une question de signature portant sur l’Accord de création des Chambres africaines extraordinaires (CAE) conclu entre le Sénégal et l’UA (Union africaine).
A l’époque, ministre de la Justice, Aminata Touré avait signé cet Accord international alors qu’elle n’en avait pas la compétence, dans la mesure où, la constitution sénégalaise attribuait cette compétence au ministre des Affaires étrangères, à l’époque, Alioune Badara Cissé, et ce, par délégation de pouvoir du président de la République.
Pour faire face à cette difficulté majeure, Aminata Touré présenta un texte intitulé, « Pleins Pouvoirs « , au terme duquel, elle prétendait que le ministre des Affaires étrangères lui déléguait ses pouvoirs pour signer l’Accord de création des CAE.
Mais dans un communiqué resté mémorable, le ministre des Affaires étrangères, Alioune Badara Cissé, fit savoir à l’opinion nationale et internationale qu’il n’avait jamais signé ce document. Par cette prise de position officielle, l’affaire du faux « Pleins Pouvoirs » venait de devenir une Affaire d’Etat impliquant deux anciens ministres de la République.
Une plainte fut déposée pour faux et usage de faux contre Aminata Touré. Cette dernière se défendit en parlant d’immunité et d’acte accompli dans l’exercice de ses fonctions ministérielles.
Aussi, par cette plainte, la question posée aux juridictions était de savoir si un ministre de la République pouvait commettre un délit, un crime et prétendre qu’il agissait dans l’exercice de ses fonctions ministérielles et resté impuni.
En première instance, le tribunal se déclara incompétent en disant que Mme Aminata Touré était passible de la Haute Cour de Justice, habilitée à juger les ministres pour des fautes commises dans l’exercice de leurs fonctions. Soulagée par cette décision qui évitait, minutieusement, de se pencher sur l’embarrassante Affaire du faux et usage de faux, les conseils de Mme Touré annoncèrent que cette affaire pouvait être considérée comme morte et enterrée.
Erreur. Bien au contraire, la Cour d’Appel vient de lui donner un nouveau souffle en s’y penchant le lundi 18 Avril 2016.
Pour les avocats de l’ancien dictateur qui savourent, déjà, une première victoire dans cette affaire, la fabrication du faux » Pleins Pouvoirs » par Aminata Touré obéissait à une logique de positionnement, en première ligne, lui permettant, ainsi, de s’accaparer de toutes les retombées médiatiques et politiques consécutives à l’enlèvement et à l’emprisonnement du président Hissène Habré. Faux, rétorquent les conseils de Mimi Touré. On en est là pour le moment.
Du reste, la Cour d’Appel vient de rappeler à Aminata Touré qu’elle reste, toujours, dans les filets de la justice. Diffamer, tuer, ou faire un faux, user de ce faux, constituent des actes délictueux, des crimes punis par la loi. D’autant plus que dans le cas d’espèce, ils ne peuvent, jamais, et sous aucun prétexte, être considérés comme des actes qui entrent dans l’exercice normal des fonctions ministérielles.