SOMMET ETATS-UNIS/AFRIQUE : Joe Biden doit de (sérieuses) explications sur la destruction de la Libye et l’assassinat de son guide Kadhafi

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Le président, Joe Biden, accueillera, du 13 au 15 décembre, un Sommet Etats-Unis/Afrique, censé revitaliser les relations avec le continent face à la concurrence de la Chine et de la Russie. Entend-on dire. Tous les pays africains y ont été conviés sauf ceux qui sont, actuellement, suspendus de l’instance continentale, l’Union africaine. Il s’agit du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée et du Soudan. Joe Biden doit, absolument, nous dire les raisons pour lesquelles l’OTAN a détruit la Libye en octobre 2011 et tué son leader, le colonel, Mu’ammar al Kadhafi. Cette explication n’a jamais été donnée aux Africains de façon officielle, sinon qu’aujourd’hui, Biden pousse les dirigeants africains à condamner le président russe, Vladimir Poutine, pour avoir exactement fait la même chose en agressant militairement l’Ukraine. A l’époque des faits, Joe Biden était le vice-président de Barack Obama. Que va-t-il raconter aux dirigeants africains alors que la Libye a sombré dans le chaos depuis onze ans, montrant juste l’appétit des Etats-Unis à détruire la prospérité des Etats qui ne sont pas dans son camp afin d’essayer de perpétrer son influence et sa domination ?

Selon Washington, le sommet de trois jours dans la capitale américaine, sera l’occasion d’annoncer de nouveaux investissements, de parler de sécurité alimentaire – aggravée par la guerre en Ukraine -, du changement climatique, mais aussi, de démocratie et gouvernance. Alors qu’ils sont devenus de tueurs froids comme les républicains, les démocrates continuent de se comporter en donneurs de leçons que, eux-mêmes, ne respectent pas. L’élection de Joe Biden n’a-t-elle pas été, vigoureusement, contestée par Donald Trump ? Pourquoi n’a-t-on pas autorisé un recomptage des suffrages ou recommencé une nouvelle élection là où il y avait contestation ?

Les Etats-Unis donnent l’impression de ne pas savoir sur quel pied danser. Ils tentent de démontrer que les Etats-Unis s’intéressent encore à l’Afrique, alors que le premier et dernier Sommet Etats-Unis/Afrique date de la présidence Obama, il y a huit ans. Un Sommet où Obama contrairement à tous ses prédécesseurs, n’a rien donné au continent de son feu père. Par exemple, le démocrate Bill Clinton avait créé l’AGOA que tous ses successeurs ont conservée. Le républicain, Geoges W. Bush, avait lourdement financé la non-propagation du sida en Afrique où son action a connu de très bons résultats. Obama, lui, s’est borné a former quelques leaders (qu’on ne voit pratiquement nulle part) pour coller à son discours selon lequel, « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais des institutions solides ». Toujours des leçons… Que Biden sache que l’Afrique n’a plus besoin d’aucune leçon. Qu’il se les garde pour lui-même et ses petits enfants.

Cela dit, Joe Biden soutient l’idée d’un siège pour l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU et il appellera, lors du Sommet, à ce que l’Union africaine soit formellement représentée au G20, a indiqué un conseiller présidentiel, sous anonymat.

« Cette décennie sera décisive. Et les années à venir vont déterminer la manière dont sera réorganisé le monde », a affirmé le +Monsieur Afrique+ du Conseil de sécurité nationale, Judd Devermont, en soulignant que l’administration Biden « croit fermement que l’Afrique aura une voix déterminante ». De toutes les façons, qu’il le croit ou pas, c’est une évidence que l’Afrique a pris son destin en main, ce qui ne fait pas plaisir au chef du camp occidental, l’Amérique.

Ce sommet intervient dans le sillage d’une nouvelle stratégie « Afrique » dévoilée l’été dernier et annonçant une refonte de la politique des Etats-Unis en Afrique subsaharienne, pour y contrer la présence chinoise et russe.

La Chine est le premier créancier mondial des pays pauvres et en développement et investit, massivement, sur le continent africain, riche en ressources naturelles, là où les Etats-Unis financent, parfois, la déstabilisation pour maintenir leur position géostratégique. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui poussent certains pays à ne plus solliciter l’aide militaire américaine. On n’a par exemple vu les Français soutenir en sous-mains les djihadistes au Mali afin d’affaiblir l’armée malienne et garantir la présence militaire durable dans le pays. Bamako a fini par chasser cette dernière, après avoir compris ce jeu de dupes. Les Africains savent que la Russie et la Chine ne s’inscrivent pas dans ce faux semblant. Ils sont eux-mêmes et non blancs le jour et noirs la nuit quand tout le monde dort, ni vu ni entendu. C’est terminé cette tromperie et Biden devra tourner sa langue plusieurs fois dans sa bouche avant de s’adresser aux dirigeants africains.

Quant à la Russie, elle y a fortement augmenté sa présence, y compris en envoyant des mercenaires, et cultive des liens étroits avec certaines capitales, notamment, celles qui avaient décidé début mars de ne pas apporter leurs voix à une résolution des Nations-Unies condamnant l’invasion de l’Ukraine, gros point de tension avec les Etats-Unis.

Lors d’une tournée en Afrique cet été, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a tenté de colmater les brèches en appelant à créer un « véritable partenariat » avec l’Afrique. N’est-ce-pas de la corruption en plein jour et à haute voix ?

Seul absent de marque, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, qui est en difficulté dans son pays sur fond d’accusations de corruption. De plus en plus, l’ANC, le parti dont il est le président, est en train de le placer sur un siège éjectable. Comme ses prédécesseurs, Jacob Zuma et Thabo Mbeki, il sait déjà ce qui l’attend : son renvoi de la présidence du parti, puis, de la République et l’ouverture d’un procès pour corruption et détournements en bonne et due forme.

Le département d’Etat dit notamment s’attendre à une « discussion robuste » sur la loi de programmation sur la « croissance en Afrique » votée en 2000 et liant la levée de tarifs douaniers aux progrès démocratiques. Cette loi arrive à échéance en 2025. Bref, les attentes sont fortes et l’économie américaine à la traîne après deux années Covid et le coup de grâce assenée par la guerre Russie-Ukraine dont le principal sponsor, malgré les réticences des républicains, reste les Etats-Unis. L’engagement de Washington sur plusieurs fronts, freine les possibilités de partenariat avec les pays africains. Or, il n’est plus temps de faire semblant car la Russie qui organise son propre Sommet Russie-Afrique au premier semestre 2023, la Chine, la Turquie et le Brésil de Lula, ne demanderaient pas mieux que l’échec de ce Sommet de Biden.

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