COTE D’IVOIRE : DOIT-ON APPELER GEORGES BUSH AU SECOURS ?

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« Qui aime la Côte d’Ivoire doit savoir retenir son souffle : les surprises (les mauvaises) sont devant nous ». Voilà ce que j’écrivais en intertitre dans le dernier « Au Secours des Idées ». Les événements n’ont pas attendu que le numéro 152 du 15 au 31 mars soit relevé par celui que vous avez entre les mains pour confirmer mes dires. Interdite par le président Laurent Gbagbo, la manifestation du Groupe de 7 des 10 partis qui avaient signé les Accords de Marcoussis, contre leur blocage par le chef de l’Etat, a été maintenue jeudi 25 mars par l’opposition. Bilan : au moins 42 morts au moment où nous mettons sous presse, ce vendredi 26 juin au matin. Quant à Guillaume Soro, le chef des Forces nouvelles, il a déjà décompté 50 morts. A Accra comme à Paris ou à Washington, on se borne à appeler les Ivoiriens à plus de « responsabilité », comme si dans ce crépitement d’armes sophistiquées les unes plus que les autres et le vacarme assourdissant des avions et hélicoptères de combat qui survolent Abidjan, on pouvait encore entendre un tel appel à la raison. Trop tard !
Le sang a donc coulé et beaucoup coulé le 25 mars à Abidjan.

Mais cette fois, l’histoire semble se répéter. Car ce n’est pas la première fois que des partis politiques, afin de défier le pouvoir en place, lancent leurs militants dans la rue sachant que l’ordre a déjà été donné à l’armée de tirer sans sommation en cas de franchissement de la « zone rouge » qui encadre le périmètre présidentiel. En effet, Robert Gueï, au lendemain de la présidentielle d’octobre 2000, avait voulu manipuler en sa faveur le verdict des urnes au détriment de son principal challenger, Laurent Gbagbo, qui jusque-là, était son principal soutien politique lors de la transition. Pour faire échouer cette manœuvre, ce dernier a sonné le tocsin pour que ses militants descendent dans la rue pour ne pas se faire voler leur victoire. On connaît la suite : Robert Gueï a bien été obligé d’abandonner la partie, et plus tard, a perdu même sa vie à force de courir après ce pouvoir qui ne voulait plus de lui.
Aujourd’hui, Laurent Gbagbo s’inscrit à peu près dans la même logique : garder par tous les moyens la substance de ce pouvoir qu’il a laissé échapper à Linas-Marcoussis. A force de tirer la couverture de son seul côté, il a plongé comme un « sumo » dans le gros trou que lui a tendu son ancien allié Henri Konan Bédié et d’où il peine à se relever. Le Rassemblement des républicains d’Alassane Ouattara et les Forces nouvelles de Guillaume Soro n’attendaient qu’une telle occasion pour le « flinguer ».
Même si on n’est jamais fini en politique, Laurent Gbagbo comme Robert Gueï hier, ne peut plus se considérer comme le président de tous les Ivoiriens parce qu’il a donné l’ordre de tirer sur eux pour préserver ce qui reste de son pouvoir. Il n’est plus le président de tous les Ivoiriens parce qu’il ne compte plus que sur son très minoritaire parti politique, le Front populaire ivoirien (FPI) qui rassemble à peine 15% de l’électorat. Quant à son allié, le Parti ivoirien des travailleurs (PIT) du professeur Francis Wodié qui aurait mieux fait de rester à la faculté de droit, ses militants tiennent à peine dans une cabine téléphonique du Plateau. Le président Gbagbo n’est plus le président de tous les Ivoiriens parce qu’il donne l’impression de sacrifier l’intérêt général (les Accords de Marcoussis) au profit de l’intérêt de son unique clan qui entend conserver tous les ressorts du pouvoir contre vents et marées.
Cela dit, la communauté (dite) internationale n’est pas exempte de tout reproche. Elle a géré le dossier ivoirien avec beaucoup d’arrières pensées dont on mesure aujourd’hui les conséquences.
   – D’abord, les accords de Marcoussis dont elle est la marraine ont été signés alors qu’elle ne les savait que partiellement applicables. Elle aurait mieux fait de demander à Laurent Gbagbo de carrément démissionner au lieu d’embarquer tout le peuple ivoirien dans une telle galère.
   – Ensuite, les chefs d’Etat ou de délégation de cette communauté (dite) internationale invités à parrainer ces Accords à Paris, voulaient d’abord préserver, chacun, leur intérêt propre. En effet, chaque chef d’Etat avait son protégé parmi les grands leaders qui se disputent le pouvoir en Côte d’Ivoire. Dans ces conditions, on ne pouvait que produire un accord bancal (inapplicable) dans l’espoir que les problèmes posés trouveraient eux-mêmes, plus tard, leurs propres solutions. Ce n’est pas sérieux.
   – Enfin, personne parmi les chefs d’Etat ou de délégation invités n’a eu le courage de proposer l’interdiction de se présenter à la présidentielle d’octobre 2005 à la bande des 3 qui ont réussi à mettre la Côte d’Ivoire à feu et à sang, à savoir, Gbagbo, Ouattara et Bédié, Soro étant d’office exclu de la course pour insuffisance d’âge minimum. Pourtant, certains hommes politiques reconnaissent en privé qu’une telle exclusion, certes autoritaire, reste la seule et unique solution vraiment susceptible de garantir le retour de la paix en Côte d’Ivoire. Reste maintenant à l’évoquer en public sauf à attendre que George Bush, à sa manière, mette tout le monde d’accord.

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