DIASPORAS AFRICAINES : Comment réduire (considérablement) les transferts d’argent

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A l’invitation du Maroc, un Forum sur la réduction des transferts d’argent de la diaspora vers l’Afrique, s’est tenu le 11 janvier, au Maroc, afin de voir comment procéder pour réduire le coût de ceux-ci et augmenter la capacité des épargnants de la diaspora à faire encore plus pour leurs familles restées en Afrique. Outre le ministre togolais des Affaires étrangères dont le pays est l’un des plus structurés dans ce domaine avec la création, il y a quelques années, du Haut conseil de la diaspora qui est une structure de relais entre le gouvernement et les différentes branches locales de ce Haut conseil, le Forum du Maroc a connu la participation de la Commission de l’Union africaine, de l’administratrice assistante du PNUD chargée du Bureau régional pour l’Afrique, des représentants des banques centrales africaines et du NEPAD.

L’événement qui a provoqué ce Forum est l’un des projets prioritaires du Plan d’action de la décennie des racines africaines et de la diaspora africaine. En effet, sur proposition du Togo, la 34ème Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine avait décrété les années 2021-2031 « Décennie des racines et des diasporas africaines ». Cette décision, qui a pour objectif ultime de replacer les diasporas africaines et les afro-descendants au cœur des priorités des instances de l’organisation continentale et de ses Etats membres, vise à mobiliser et à canaliser les contributions des Africains vivant à l’extérieur en vue de la réalisation des programmes de développement du continent dont l’agenda 2063 demeure le fil d’Ariane. Le Maroc participe, activement, aux activités du Haut comité chargé de la mise en œuvre de cette décennie que le Togo préside.

Car, aujourd’hui, l’importance des envois de fonds de la diaspora dans l’économie de nos pays et dans le quotidien des ménages n’est plus à démontrer. A titre indicatif, ces transferts monétaires vers le continent se sont élevés à 85,9 milliards de dollars en 2019 et 78,4 milliards en 2020 et représentent une contribution moyenne comprise entre 7 et 10 % du PIB de nos différents pays. Ils représentent plus de 20 % du PIB de certains pays comme le Cap Vert, la Gambie et le Lesotho. Au Togo, les transferts financiers représentent entre 8% et 10% du PIB. Selon le dernier rapport de la Banque mondiale, les envois de fonds des migrants africains vers leurs pays d’origine ont connu en 2021 une augmentation de 6,2 %. Les principaux pays africains bénéficiaires sont le Nigeria, le Ghana, le Kenya et le Sénégal.

En dépit des différentes actions menées et des mesures prises par la communauté internationale sur la question à l’instar du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières qui réaffirme, entre autres, l’importance des transferts de fonds des migrants et recommande de ce fait aux Etats, à travers son objectif 20, de « rendre les envois de fonds plus rapides, plus sûrs et moins coûteux de manière à favoriser l’inclusion financière des migrants », certaines régions du monde, notamment, le continent africain demeurent, toujours, victimes de coûts de transferts très élevés par rapport à la moyenne. Ces transferts sont astreints à des taux exorbitants et les retenues pratiquées par les organismes de transfert peuvent, selon certaines études, atteindre 15%, représentant ainsi quelque 1,6 milliard d’euros de manque à gagner pour le continent africain.

Cette situation est déplorable et va à l’encontre des objectifs de développement durable et de l’agenda 2063 de l’Union africaine. Pour y remédier, il a paru indispensable de mener au cours de ce Forum des réflexions approfondies pour trouver des approches de solutions innovantes à même de répondre au besoin d’optimisation des transferts de fonds de la diaspora. Cela va sans dire qu’il faut mettre en place des infrastructures adéquates et renforcer les cadres réglementaires favorables à ces actions. Les pays doivent, aussi, agir en synergie et s’inspirer des bonnes pratiques existantes en la matière sur le continent ou ailleurs, pour plus d’efficacité.

C’est dans cet ordre d’idée que le professeur, Robert Dussey, a affirmé que « Le Togo souhaite vivement que notre forum permette aux Etats africains de convenir d’un cadre et d’une procédure pour engager très rapidement des négociations formelles avec les principales agences de transfert de fonds afin de les amener à réduire les coûts de leurs prestations ».

Par ailleurs, le développement de solutions technologiques innovantes pour les envois de fonds permettrait de réduire les frais, d’accélérer les transactions, de renforcer la sécurité et de lier les envois de fonds à une gamme complète de services financiers, afin d’inciter les migrants et les membres de leurs familles à investir dans les économies de nos pays.

D’où l’appel du chef de la diplomatie togolaise « pour le renforcement du partenariat entre les institutions financières africaines, les centres de recherches, les incubateurs de talents et les organisations des diasporas africaines, afin d’explorer toutes les options technologiques, opérationnelles et stratégiques en vue non seulement d’infléchir les coûts des transferts, mais aussi, d’accroître les possibilités des migrants à contribuer au financement des projets de développement dans leurs pays d’origine notamment par l’utilisation des nouveaux instruments pour capter les placements. Cette démarche doit associer étroitement l’institut africain pour les transferts de fonds et faire l’objet d’un plan de communication et d’appel à projets innovants (fintech, assurtech, investech…) au sein de la diaspora africaine dans le cadre de la Décennie des racines et des diasporas africaines ».

En réduisant de manière substantielle les frais de transfert, d’importantes ressources financières pourraient être dégagées, chaque année, au profit des ménages les plus vulnérables et orientées vers des investissements productifs créateurs d’emplois.

Ce Forum va encourager tous les Etats africains à tirer davantage profit du potentiel d’investissement que constitue les Africains de l’extérieur. Il s’agira, entre autres, de créer un environnement suffisamment incitatif pour les projets de la diaspora africaine. Il faut cependant, pour que les actions aient plus d’impact, que les pays les mettent en cohérence et en synergie au niveau du continent dans son ensemble. La décennie (2021- 2031) des racines et des diasporas africaines soutenue par le royaume du Maroc semble être le cadre le plus approprié pour initier et porter ensemble des projets innovants impliquant la diaspora et les afrodescendants au service du développement de l’Afrique.

A ce titre, le professeur, Robert Dussey, a annoncé l’initiative du Togo d’organiser, en 2024, le Congrès panafricain de Lomé, avec pour thème : « Renouveau du panafricanisme et place de l’Afrique dans la gouvernance mondiale : mobiliser les ressources et se réinventer pour agir ».

Lomé, « Capitale de la Paix, de la Médiation, du Dialogue, et de la Tolérance », accueillera ce 9ème congrès panafricain, qui sera une occasion privilégiée pour les Africains vivant sur le continent et hors de celui-ci (la diaspora et les afrodescendants) de s’interroger sur la question de leur devenir humain, politique, culturel, social et sociétal, dans un monde de plus en plus instable, en panne de responsabilité collective et de gouvernance concertée impliquant l’Afrique. Les pays africains devront réfléchir sur comment inventer une forme d’association humaine, une organisation politique et de nouvelles visions afin de définir ce qu’ils veulent et peuvent pour eux-mêmes et par eux-mêmes (« africanophonie »), aux côtés d’autres acteurs majeurs de la scène politique internationale et de l’économie mondiale.

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