FRANCE-CHINE : Macron n’est pas autorisé à parler de l’Afrique avec Xi Jinping

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La France n’est plus la France et ce n’est pas un scoop. Depuis longtemps, plus précisément, avec le départ de Jacques Chirac de l’Elysée, en 2007, la France a cessé d’avoir une politique mondiale autonome, au sens gaullien du terme : elle a rejoint l’OTAN sous Sarkozy signant son entrée dans l’atlantisme avec comme chef de la diplomatie, le très atlantiste Bernard Kouchner. De ce fait, elle a accepté de devenir une roue de secours des Américains, faisant même concurrence à la Grande Bretagne, leur principale alliée en Europe.

Avec l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, les choses n’ont guère changé. Elles sont même allées de mal en pis, parfois, sans qu’on sache en quoi consiste la politique de la France à l’international. Elle était caractérisée avant, par son indépendance matérialisée par sa détention de l’arme nucléaire et son refus d’appartenir à l’OTAN malgré l’existence du Pacte de Varsovie. Elle avait une voix singulière qui la rendait audible (comme pendant la guerre en Irak) auprès des deux camps qui s’affrontaient. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

Voilà le chef de l’Etat français parti en Chine. Pas seul. Car il se sait tout petit face à Xi Jinping. Pour y aller, il a embarqué la présidente de la Commission européenne, l’Allemande, Ursula von der Leyen. Pourtant, en novembre 2022, le chancelier allemand, Olaf Scholz, avait bien effectué un voyage en Chine qui est son principal partenaire économique. Macron avait voulu se greffer à ce voyage pour que les deux parlent d’une même voix au nom de l’Europe. Le chancelier avait sagement récusé cette offre et voyagé seul à Pékin où il avait discuté, seul à seul, avec le futur homme le plus puissant du monde. Macron, lui, se sentant léger, a choisi de faire le voyage avec la présidente allemande de la Commission.

Pour dire quoi à Xi Jinping ? Qu’il doit équilibrer les échanges qui produisent un déficit considérable qui est de l’ordre de 50 milliards d’euros aujourd’hui au détriment de la France. Chaque jour, l’Europe, de son côté, creuse d’un milliard d’euros son déficit vis-à-vis de la Chine. Les Chinois, au nom de leur intérêt, se montreront ouverts à cette préoccupation de peur de faire face aux mesures de rétorsion venant de l’Europe comme c’est le cas avec les Etats-Unis. Mais là où Macron n’a aucune chance, c’est quand il invitera la Chine à s’associer aux initiatives de l’Occident qui visent, sur le fond, à faire perdre la guerre en Ukraine à la Russie. Après s’être coupé tout contact avec le Kremlin, Emmanuel Macron demande, aujourd’hui, aux Chinois, de s’associer au plan de paix en Ukraine. C’est le sens de l’indépendance de la France vis à vis des deux blocs que voulait le général de Gaulle. Avant son entrée dans l’OTAN qui lui a lié les mains, la France aurait pu jouer un tel rôle toute seule. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Et le plan piloté par les Occidentaux ne peut agréer les Chinois, qui ont une relation particulière avec la Russie comme l’a montré le dernier voyage de Xi Jinping, en mars, chez Vladimir Poutine à Moscou.

Les leçons ou les conseils du président français pour mettre fin au conflit en Ukraine, ne passeront donc pas en Chine. Ce sera de la gesticulation. Macron est trop aligné derrière Washington pour être crédible aux yeux de Pékin. C’est de la même manière qu’il est en train de fermer les portes africaines, une après une, à la diplomatie française au profit des Chinois et des Russes. Chaque fois qu’il est allé en Afrique, au lieu de chercher à améliorer la mauvaise image de la France, il s’est toujours évertué à donner des leçons aux Africains (comme s’ils étaient des enfants) pour qu’ils se détournent des Russes et des Chinois, qui ne seraient là, selon lui, que pour les exploiter. Curieux message venant d’un président français dont le pays est accusé de tous les péchés d’Israël en Afrique. On n’est pas étonné que son voyage au Cameroun en juillet dernier et aux deux Congo en mars, ait été couronné d’échec. Non seulement, il s’y prend toujours très mal, dans les conseils qu’il veut donner, comme s’il était le président de la France des années Giscard, Mitterrand ou Chirac, mais, il n’a ni la manière, ni le vocabulaire pour faire passer son message. Du coup, en Afrique, sauf peut-être dans certains milieux au Sénégal et en Côte d’Ivoire (et encore !), on ne veut plus le sentir.

En Chine, il ne faudra pas qu’il parle au nom des Africains comme l’un de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy, pour ne pas le nommer, qui, lors d’un voyage là bas, avait dit que la France pouvait fournir de l’uranium à la Chine via Areva pour y construire des centrales nucléaires. Et le président chinois de l’époque, Hu Jintao, de demander si la France produisait de l’uranium. Oui, répondit le président français en expliquant qu’il s’agissait de l’uranium exploité par la France via Areva en Centrafrique et au Niger. La surprise du président chinois fut totale que la France parle de cette façon des pays africains indépendants et de leurs matières premières. Il laissa la proposition entre parenthèses, le temps d’en parler à ses interlocuteurs africains pour leur dire qu’il avait refusé de traiter cette question sur leur dos avec le président français.

D’autre part, les échanges entre l’Afrique et la Chine se font de plus en plus grâce à l’ouverture des lignes de crédit et, dans un futur proche, grâce aux instruments de paiement, qui seront mis en place par les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Le recours au F CFA pour les pays membres de la zone franc avec les difficultés grandissantes d’obtention des autorisations de faire des transactions, sont de lointains mauvais souvenirs dans un nouveau contexte où la dédolarisation et le refus d’utiliser l’euro comme monnaie pour financer les échanges, ne sont plus un secret. Les temps où le président français en voyage en Chine passait des heures à parler de ce que la Chine devait s’entendre avec la France pour mieux servir leurs intérêts en Afrique, sont désormais révolus.

Macron en Chine n’aura plus l’opportunité de se prendre pour un porte-parole de l’Afrique qu’il n’est pas.

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