PRESIDENT GUY NZOUBA NDAMA  : « Ali Bongo a menti »

Date

Afrique Education : Vous venez de démissionner du Parti démocratique gabonais (PDG) avec fracas. Neuf de vos camarades députés vous ont suivi en démissionnant aussi de leur mandat de député. Vous avez, aussi, rendu votre tablier de membre du PDG. C’est un coup de tonnerre dans le ciel (en plein soleil) du Gabon. Qu’est-ce qui a motivé un tel départ à quatre mois de l’élection présidentielle ?

Guy Nzouba Ndama : J’ai effectivement démissionné du Parti démocratique gabonais (PDG), le 5 avril dernier, perdant, ainsi, de fait, mon mandat de député. Je ne sais pas si, il s’agit d’un coup de tonnerre dans le ciel du Gabon, mais, ce qui est sûr, c’est que ceci a constitué un coup de semonce important pour le parti.
Mon départ est consécutif à plusieurs faits de violation des immunités parlementaires par l’exécutif et au constat que le président de la République que j’avais soutenu, en 2009, dans sa quête de conquête du pouvoir exécutif, s’était détourné des objectifs que nous nous étions fixé au moment de la campagne.
Prisonnier d’un petit groupe de personnes (les profito-situationnistes, ndlr) à l’appétit gargantuesque, le président de la République n’était plus sensible aux cris de détresse des Gabonais.
J’ai, donc, pensé en mon âme et conscience qu’en dépit des conseils à lui prodiguer et non suivis d’effet, il ne m’était plus possible de l’accompagner dans la conquête d’un deuxième mandat. La situation politique, économique et sociale du pays ayant atteint des sommets jusque-là, jamais, égalés.

Afrique Education : Le PDG est un grand parti, le plus grand du Gabon au regard de ses élus, qui, bien qu’il ait eu, dans le passé, des courants, est bâti sur un même socle. Tous ses militants, malgré leurs différences, devraient se recommander de son fondateur, le patriarche Bongo Ondimba. Je ne comprends pas pourquoi vous n’avez pas pu dialoguer comme le faisait le patriarche afin de trouver un point d’entente. La rupture était-elle irréversible ? Qu’avez-vous fait pour l’éviter ?

Guy Nzouba Ndama : Le président, Omar Bongo Ondimba, fondateur du Parti démocratique gabonais (PDG) avait défini la philosophie de son parti par la triptyque, Dialogue Tolérance et Paix. Depuis 2009, le PDG n’est plus dirigé par un homme de dialogue, mais par un « chef suprême », tel que stipulé dans les statuts. Il suffit de voir comment se déroulent les réunions du Bureau politique où le « chef suprême » du parti est le seul à parler et ses autres camarades n’ont pour seule mission que d’applaudir.
Vous comprenez que dans ces conditions, il ne reste plus à ceux qui ont envie de s’exprimer, différemment, qu’à sortir du cadre du parti pour le faire.
Du reste, l’apparition du mouvement PDG-Héritage et Modernité est la conséquence de cette absence de dialogue comme moyen de résolution des contradictions internes. Depuis sa création, le PDG n’avait, jamais, exclu ses militants, le « Chef suprême » du parti a inauguré ce mouvement (Les députés Alexandre Barro Chambrier, Michel Menga et Jonathan Ignoumba, ont été exclus du PDG, le 9 mars 2016, par Bongo Ondimba Ali, ndlr).

Afrique Education : Très souvent, il m’est arrivé de parler avec des députés du PDG. Beaucoup affirment être en phase avec vos idées et le rôle que devrait jouer une institution centrale comme l’Assemblée Nationale. Ils disent que vous avez raison, mais, ils refusent d’adhérer à votre approche qui, au lieu de favoriser le dialogue, la concertation, semble privilégier la confrontation. Car, maintenant, c’est la guerre entre vous et le candidat Ali Bongo Ondimba. Il faudra choisir entre vous et lui. La rupture est-elle survenue parce que vos positions étaient irréconciliables d’avec celles des tenants du PDG ?

Guy Nzouba Ndama : C’est vrai que beaucoup de députés du PDG sont en phase avec nos idées même si certains n’apprécient pas à sa juste valeur le rôle central de l’Assemblée nationale dans la vie démocratique d’un pays. Je ne suis plus militant du PDG, on ne peut, donc, pas parler de confrontation ou de guerre entre le candidat Ali Bongo Ondimba et moi. J’exprime mes idées en dehors de cette formation politique, lesquelles idées peuvent être appréciées par des militants PDGISTES comme par d’autres compatriotes gabonais.

Afrique Education : D’aucuns pensent qu’il existe, au moins, trois PDG : la tendance Louis (avec Faustin Boukoubi), la tendance contrôlée par le Palais du Bord de Mer managée par le «profito-situationniste» en chef, Maixent Accrombessi, et la tendance Héritage et Modernité, qui vous est proche. Confirmez-vous cela ?

Guy Nzouba Ndama : Je pense qu’il est inutile pour moi de répondre à votre question d’autant plus que je ne suis plus membre de cette formation politique.

Afrique Education : Héritage et Modernité ayant annoncé son candidat à la présidentielle, êtes-vous cette personne ? L’Assemblée nationale comptant encore une centaine de députés pro-Bongo Ondimba Ali, on dit du côté du Palais du Bord de Mer que le PDG, même sans vous, est prêt à relever le défi de la victoire. Autrement dit, vous êtes parti mais cela ne fait pas mal au PDG ?

Guy Nzouba Ndama : Je ne sais pas si je suis cette personne que le courant mouvement PDG Héritage et Modernité annonçait, je constate seulement que les militants de ce courant m’ont fait l’amitié d’être présents lors de ma déclaration du 5 avril dernier.
En tout état de cause, le congrès annoncé nous permettra d’être fixé sur le choix de ce mouvement. Je n’ai jamais prétendu que j’étais indispensable au PDG, mais, je constate, seulement, que mon départ fait beaucoup de vagues (Tenu le 1er mai, à Libreville, le Congrès de Héritage et Modernité a désigné Guy Nzouba Ndama comme son candidat à l’élection présidentielle, ndlr).

Afrique Education : Lors de votre discours du 5 avril, vous avez pu réunir presque tous les dignitaires du PDG du temps du patriarche qui ont démissionné de ce parti, y compris ceux qui l’ont quitté depuis longtemps. Allez-vous demander des soutiens de Zacharie Myboto à Didjob en passant par Adiahénot, Missambo et Oyé Mba pour mieux accrocher votre candidature ?

Guy Nzouba Ndama : J’ai pu, effectivement, apprécier à l’occasion de ma déclaration du 5 Avril dernier, la présence de quelques dignitaires du PDG du temps du Patriarche qui ont quitté ce Parti et je les remercie pour cette marque de solidarité. Je suis le nouveau venu sur la scène de l’opposition au pouvoir actuel, je me dois de rencontrer chacun de ces responsables pour voir comment nous pouvons matérialiser nos efforts afin de parvenir à l’objectif de l’alternance.

Afrique Education : Question pratique : Didjob Divungi di Ndinge qui a été vice-président du Gabon pendant plusieurs années, a déjà déclaré qu’il ne sert à rien d’aller aux élections si la CENAP, la Cour Constitutionnelle, les listes électorales et la loi électorale qui autorisent un seul tour, ne subissent pas un toilettage consensuel (Majorité-Opposition). Jean Ping, de son côté pense que ce n’est pas nécessaire. Il se dit prêt à y aller et à gagner même si l’élection avait lieu demain. Et vous qui êtes un grand connaisseur de cette architecture électorale, pensez-vous utile que le Gabon passe par la case Réformes avant toute élection présidentielle, sinon, vous iriez à l’abattoir ?

Guy Nzouba Ndama : Il y a, effectivement, deux tendances qui s’expriment au sein de l’opposition, l’une et l’autre ont chacune leurs raisons objectives et elles ne peuvent pas être considérées comme exclusives, elles sont complémentaires. Mais, n’oublions pas que le Président, Ali Bongo Ondimba, lui-même, s’est compliqué la tâche en reconnaissant que l’acte de naissance qu’il avait produit, en 2009, est un faux ; il lui reviendra de résoudre, d’abord, cette équation car il a menti aux Gabonais.

Afrique Education : Accepteriez-vous, en tant que candidat, que la CENAP et la Cour constitutionnelle valident le dossier du chef de l’Etat alors qu’il ne répond pas aux dispositions de l’article 10 de la constitution ?

Guy Nzouba Ndama : Nous ne pouvons pas avoir la prétention de pouvoir présider aux destinées de notre Pays si nous ne respectons pas les décisions des institutions de la République. Si ces deux administrations validaient le dossier de candidature du chef de l’Etat, je ferai contre mauvaise fortune bon cœur.

Afrique Education : Selon vous, pour quelles raisons le patriarche a-t-il mis cet article dans la constitution gabonaise ? Redoutait-il quelque chose ou voulait-il interdire la magistrature suprême à son fils ?

Guy Nzouba Ndama : L’Article 10 de la Constitution n’est pas le fait d’Omar Bongo, cet article existe depuis la Constitution adoptée par le consensus en 1991.

Afrique Education : Au moment où la campagne devient intense, pensez-vous être en phase avec vous-même, sur le plan des idées qui ont toujours été véhiculées par le PDG ? Pensez-vous d’autre part être en phase avec la majorité de vos anciens camarades du PDG bien que vous en soyez parti ?

Guy Nzouba Ndama : Je constate que vous n’avez pas, encore, accepté le fait que je ne suis plus militant du PDG, puisque vous me posez toujours la même question en rapport avec le parti. Toutefois, ma situation actuelle ne me fait pas oublier les valeurs de patriotisme, d’unité nationale qui m’ont nourri au sein du PDG et que je dois continuer à inculquer à mes compatriotes quel que soit leur bord politique.

Afrique Education : La réconciliation avec Ali Bongo Ondimba votre fils que vous aviez imposé comme candidat à la présidentielle de 2009, est-elle, encore, de l’ordre du possible ? Si oui à quel prix ?

Guy Nzouba Ndama : Je voudrais d’abord préciser que je n’ai pas imposé Ali Bongo comme candidat à la présidentielle de 2009. Avec d’autres camarades au sein du PDG, nous avons pensé à tort ou à raison que Ali Bongo Ondimba nous paraissait être meilleur candidat pour défendre les couleurs du PDG. Aujourd’hui, force est de constater que nous nous étions trompés. Quant à la question de la réconciliation que vous évoquez, je voudrai vous dire que je n’ai pas un contentieux personnel avec Monsieur Ali Bongo Ondimba ; nous sommes ici dans le domaine politique où je constate que nous avons des divergences qui nous ont séparés.

Propos recueillis par
Jean Paul Tédga

Envie d’accéder aux contenus réservés aux abonnés ?

More
articles

×
×

Panier