CENTRAFRIQUE : Qui a tué la journaliste Camille Lepage ? Son enquête «à l’arrêt»

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Les Banguissois se souviendront pendant longtemps de cette jeune photo-journaliste de 26 ans, qui avait été adoptée en Centrafrique où elle était comme poisson dans l’eau, très bien intégrée comme si elle y était née. C’était beau de la voir jouer de la guitare entourée d’une foule d’amis centrafricains qui la considéraient comme l’une des leurs. Elle était effectivement l’une des leurs. Camille travaillait et profitait de la vie, parfois, de façon insouciante car, dans son milieu à Bangui, on pouvait de temps en temps oublier (à tort) que le pays restait et était en guerre, et que la raison de celle-ci, était le contrôle du pouvoir. C’est ainsi qu’elle a été tuée par balle dans une embuscade alors qu’elle était en reportage avec une milice pour couvrir le pillage d’un village, dans ce pays d’Afrique centrale en guerre civile depuis 2013. «Ces dernières années, aucun acte d’enquête important n’a été effectué pour identifier les motifs et les auteurs des tirs sur le convoi motorisé à bord duquel se trouvait Camille Lepage», s’indigne RSF dans un communiqué, qu’on a connu bien plus véloce et accrocheur en de nombreuses autres occasions. Mais mieux vaut tard que jamais.

Complément d’instruction

«Les témoins n’ont pas tous été interrogés, certaines pistes n’ont pas été explorées, aucune reconstitution des faits n’a été effectuée et le dossier d’instruction est même resté introuvable pendant plusieurs mois» en Centrafrique, a rappelé l’ONG. En France, une cinquième juge d’instruction vient d’être saisie du dossier, tandis qu’en Centrafrique, le procès a été renvoyé pour complément d’instruction, détaille RSF.

«Les difficultés liées au contexte sécuritaire ou sanitaire ne peuvent pas justifier l’absence totale d’implication des autorités judiciaires françaises et centrafricaines ces dernières années pour identifier les auteurs de cette embuscade meurtrière et leur mobile», écrit le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger.

Groupes armés à majorité musulmane

En 2013, une rébellion menée par une alliance de groupes armés appelée Séléka, à majorité musulmane, a renversé le président, François Bozizé. Ce dernier, ainsi que, des caciques de son régime, ont, ensuite, créé ou fédéré des milices dites anti-balaka, dominées elles par des chrétiens et des animistes. Une guerre civile extrêmement meurtrière a opposé les deux coalitions avant de baisser d’intensité à partir de 2018, et dont les civils ont été et sont toujours les principales victimes.

L’ONU a accusé les deux camps de crimes de guerre et contre l’humanité en 2014 et 2015. Plusieurs thèses concernant le mobile de l’attaque dont Camille Lepage a été victime ont été évoquées, dont celle d’une embuscade visant le convoi d’anti-balaka dans lequel elle se trouvait.

La piste d’un règlement de compte au sein de ce groupe armé a été trop vite écartée, selon Vincent Fillola, l’avocat de la famille Lepage, qui déplore que la justice française n’ait déployé «ni les moyens ni la volonté nécessaire» pour que l’enquête avance, selon le communiqué.

Ce qu’on savait, aussi, c’est qu’après l’assassinat de cette photo-journaliste, certaines chancelleries locales avaient avancé l’hypothèse d’une disparition provoquée par la France elle-même dont l’armée et les Services étaient omniprésents en Centrafrique malgré la décision de François Hollande de rapatrier une grande partie de l’armée qui stationnait sur place. Généralement, la France ne fait pas de quartier quand il faut protéger son armée en opération extérieure, même si en face, il faut mettre hors d’état de nuire ses propres ressortissants. L’enquête sur Ghislaine Dupont et Claude Verlon, deux journalistes de RFI, tués au Nord-Mali, en 2013, dans des conditions jamais bien élucidées alors que la France a tous les moyens possibles de connaître la vérité, est là pour montrer que l’intérêt supérieur de l’Etat prime sur les scoops des journalistes. L’enquête sur les journalistes de RFI piétine gravement alors que RFI a les moyens de se faire entendre des autorités. Si tel est le cas, qu’en serait-il de la pauvre Camille Lepage qui n’était que pigiste ? Que Dieu Le Tout Puissant ait leurs âmes !

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